mardi 8 juillet 2014

Un été

Été 1973.
Cet album est sans doute numéro 1 au palmarès et joue en permanence depuis des jours sur la table tournante de mon ainé de frère, celui par qui la découverte musicale arrive toujours. Paul McCartney frise le génie d’une plage à l’autre sur les deux faces de cet incomparable 33 tours. Probablement son meilleur album à vie sans ses légendaires copains de Liverpool. Chaque pièce s’imbrique avec la précédente comme autant de pièces d'un puzzle.



Dès que j’entends cette chanson, la magie des souvenirs me ramène immanquablement à l’été de mes dix ans. Dès les premières notes de guitare, ça vient me chercher et c’est parfois si fort que j’en arrive même à sentir l’odeur de cet été merveilleux vécu dans une banlieue plantée près d’un fleuve qui se cache trop souvent. Ça sent bon la pelouse fraichement coupée et le soleil du matin qui tape dans la cour arrière.
Quoi ? Kess tu dis toi ? Que le soleil du matin qui tape dans la cour arrière n’a pas d’odeur ? Si tu dis ça c’est que tu n’as jamais été un enfant. Y a des parfums dans tout quand t’as dix ans et que tu es heureux. Même dans les couleurs. T’as jamais remarqué que le bleu sent bon le cadeau de Noël et que le jaune sent bon les étoiles ?
Non ?
Mais t’es pas normal ou quoi ?

Été 1973 donc. Je ne sais pas pourquoi, mais nous gardons à la maison mes deux cousines et mon cousin pour quelques jours. Des jeux et des rires tout le temps. La normalité est bousculée par leur réjouissante présence. C’est fantastique.
Dans le sous-sol, du côté « non fini », y a la fournaise à l’huile tout au fond. La terrible fournaise à l’huile. Elle vit d’octobre à avril en faisant des bruits atroces quand elle se met en marche. On dirait qu’elle est toujours furieuse d’exister et qu’elle aimerait bien se payer l’un de nous pour souper. C’est qu’elle nous boufferait la salope si on n’y prenait pas garde. L’été, elle dort. Mais on la sent ne roupiller que d’un œil. L’autre nous guette. Si elle ne nous attrape pas, c’est qu’elle est trop alanguie par la chaleur de juillet. Mais elle nous guette ! J’en suis certain !
Le trip méga effrayant, c’est de jouer à la cachette de ce côté et de se trouver une planque après avoir fermé la lumière. Il fait noir comme chez le loup. On a la chienne et on en arrive même à avoir hâte de se faire repérer par celui ou celle qui, dans le jeu, est en chasse des autres. Mais c’est quand même chouette. Au fond de nous, on sait que c’est une réalité qui ne nous tuera pas. Nous avons 8, 10, 11 ou 12 ans. Nous sommes éternels.

T’es toujours éternel quand t’as 10 ans en 1973 et que ton grand frère vient de te faire connaître Band On The Run.

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