dimanche 22 juin 2014

Matin sur mon balcon arrière

Matin sur mon balcon arrière. Ciel très bleu et soleil resplendissant. La journée s’annonce belle. De fait, je regarde sur la page de météo Canada et je vois qu’on annonce jusqu’à 29° sans un seul nuage. On déconseillerait de porter du noir. Pourtant, c’est exactement ce que je vais faire aujourd’hui. J’ai préparé tout ça hier.
Chaussures, pantalon, chemise.
Tout ça bien noir et bien endeuillé, plié sur ma commode.  

Je suis un peu anxieux. J’imagine que c’est normal. Tu ne peux pas être autrement quand tu te prépares à te retrouver face à cette chose creuse remplie de poussière paternelle. Que tu sois croyant ou pas, ça marque un passage symbolique dans ta vie. Ton père est là-dedans et ce n’est pas plus gros qu’une boîte à chaussures.

Oui, ce qui reste de son enveloppe est là-dedans, mais les sourires et les regards remplis de tendresse, dans nos souvenirs, ne s’incinèrent jamais. Où c’est que t’as vu des hommes bons comme lui tomber dans l’oubli ?

Le deuil est une période qui permet de passer d’un état à un autre.

L’éphémère.
La vie n’est que ça, éphémérité. Ce qui ne dur pas. Tout passe, même les gens. Surtout les gens. Il faut goûter chaque seconde de vie comme si c’était la dernière. C’est un cliché sans doute, mais les clichés existent justement parce qu’ils décrivent une réalité qui ne peut être exprimée autrement.

Matin sur mon balcon arrière. Ciel très bleu et soleil resplendissant. La journée s’annonce belle. Ma coloc adorée s’en va planter des mots à Québec. Je l’entends dans sa chambre qui pianote sur son clavier. Quelqu’un vient la chercher. Elle vient me saluer alors que je suis dans la cuisine à me préparer mon énième café du matin. Elle me souhaite une « bonne journée » en m’enlaçant dans ses bras. C’est chouette d’avoir une coloc comme elle. Ça tient chaud et ça habille juste comme il faut ma solitude d’une présence bienveillante. Samedi dernier, après la tourmente matinale qui a suivit le départ de mon père, je suis repassé ici, question de prendre une douche, de me changer et de manger un morceau avant de retourner à la maison familiale pour épauler ma mère et mes frères dans ces pénibles obligations. J’étais à chier et c’était bien visible. Mais j’ai évité de lui parler de tout ça, tentant de rester neutre pour ne pas la mettre mal à l’aise. J’avais un truc pour elle que j’oubliais toujours de sortir de ma voiture. Un petit bidule artisanal donné par une amie commune pour service rendu. En lui remettant, nos mains sont restées un moment l’une dans l’autre et se petits doigts ont serrés ma paume, manière à elle de me dire qu’elle était de tout cœur avec moi. Un courant d’amitié fort apprécié. Plus tard, en quittant la maison, j’ai été la voir dans sa chambre et je lui ai demandé si elle ne pouvait pas par hasard me serrer fort dans ses bras. « Deviens ma blonde pour trente secondes, j’en ai besoin ». Ce qu’elle a fait avec un abandon parfait.
On forme une bonne équipe elle et moi.

Matin sur mon balcon arrière. Ciel très bleu et soleil resplendissant. La journée s’annonce belle. J’ai reçu des nouvelles de Toulouse l’autre soir. Des nouvelles et du support transatlantiques. Cela se fait naturellement chez elle. Toulouse, c’est en effet la ville où habite mon âme sœur. M’a dit que s’il n’en dépendait que d’elle, elle sauterait sur son vélo pour venir ici, sur ce balcon et partager ma peine en descendant une bouteille de vin avec moi. D’ailleurs, je la sentais légèrement allumée. Il devait être 3h du matin chez elle. Ça lui arrive souvent de m’appeler quand elle a un verre dans le nez. Là, je crois aussi qu’elle est tristounette à cause de son amoureux qui ne l’aime plus tout à fait. Un type un peu con si vous voulez mon avis franc et entier. Parce que franchement, faut vraiment être con quand t’as un trésor comme ça et que tu lui tourne le dos pour t’en aller vers d’autres aventures. Y a des mecs comme ça, je vous jure.


Matin sur mon balcon arrière. Ciel très bleu et soleil resplendissant. La journée s’annonce belle. J’attends ma fille qui se pointera vers midi. On ira ensemble là-bas, dans cette maison centenaire qu’on a transformée en salon funéraire.

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