Ça s’est passé en quelques secondes. Un truc de con. Je suis dans ce café où je vais depuis 300 ans. Je connais tout le monde et tout le monde me connait. Je connais la plupart des clients réguliers par leur prénom et la plupart des clients réguliers me connaissent par mon prénom. Les serveuses? Oublie ça mec. Je vais au resto avec elles, même si elles ont 567 ans de moins que moi.
Je suis avec le Che. On termine un texte pour l’assemblée de la soirée. On est fier de notre truc, c’est parfait. On n’y touche plus. Hop! On le copie sur ma clé USB. Comme on fait toujours depuis 1000 ans, on laisse tout ça là et on va se fumer une clope. On reste devant la porte du café. On rentre 5 minutes après… et puis c’est la catastrophe! Fuck! Mon ordi!! N’est plus là!!! On check, on fouille, on regarde, on visite tous les clients. Rien! Madame Rose qui était à deux table de là, madame Rose qui, comme moi, a fait de ce Café sa deuxième maison et qui scrute, et qui potine, et qui ne manque jamais un événement de la petite histoire de ce café, ben merde, elle n’a rien vu. Madame Machin, qui est prof de ch’sais pas quoi et qui corrige toujours ses copies avec ses petites lunettes sur le bout de son nez, était à une table. À UNE TABLE! Rien vu non plus.
Les serveuses sont catastrophées parce que c’est à moi que ça arrive, leur meilleur client. L’une d’elle me parle de ce mec étrange qui était debout et qui avait l’air perdu. Elle a été le voir pour lui demander comment elle pouvait l’aider. Lui a simplement répondu : « C’est bon madame, j’attends ma femme ». Le temps de se retourner pour aller au comptoir, le mec n’était plus là. Elle ne l’a pas vu piquer mon ordi, mais le mec est sorti par la porte de secours. Vraisemblablement avec mon ordo sous le bras.
L’enfoiré!
L’immonde enfoiré!
L’ordi, je vais vous dire, je m’en crisse. C’est ce qu’il y avait dedans et que je n’ai pas sauvé comme un con qui me fait de la peine. Les photos de V... qu’elle m’envoyait des fois, le matin, après une énième correspondance où je lui disais la veille que je m’ennuyais d’elle. « Envois moi une photo de toi s’il te plait! » Comme nous avons 6 heures de décalage elle et moi, ce que je lui écrivais le soir, elle le recevait le matin. Avant d’aller travailler, toujours toute belle, elle se prenait en photo avec la petite caméra intégrée et m’envoyait le truc. Elle sortait la langue, se plaçait les yeux dans le même trou, trouvait une énième grimace pour s’enlaidir et m’envoyait la photo. Je trouvais son message au matin, en me levant. Immanquablement, je la grondais gentiment en la traitant de méchante fille, mais en lui demandant tout de même de reprendre l’exercice. Puis le lendemain, j’avais une belle photo d’elle, toute neuve et toute rayonnante, sans grimace ni rien, juste la beauté de son visage pour les plaisir de mes yeux et qui me faisait passer une super belle journée. On a ce genre de correspondance elle et moi. Ça fait 7 ans que c’est comme ça et on vit très bien là dedans. Elle sait que je suis amoureux d’elle en secret que c’est même plus un secret. Je lui ai dit mille fois depuis 7 ans. Si ça ne marche pas entre nous, c’est à cause d’un océan qui a décidé de nous séparer à la naissance. Y a des merdes comme ça qui arrive dans la vie. Faut faire avec. Mais ce n’est pas grave. (enfin si, un peu quand même, sinon merde, on serait mariés elle et moi au moment où j’écris ces mots)
Je n’ai pas sauvé ces photos!!! Pas une tabarnak! Ça fait une quantité de soleils gaspillés. Le mec, le voleur, il va me les effacer sans hésiter avant de cleaner mon ordinateur pour le revendre au pawn shop. Et assurément, au moment où j’écris ces mots, mes photos de V... n’existent plus.
Crime contre l’humanité.
Mon humanité à moi!!!!
Câââlisssssse!!!
Des textes aussi. Des tas de textes.
Oui, oui, oui, je sauvais ailleurs. Mais pas tout. Les premiers jets, les idées, les bons mots, je ne sauvais pas toujours. Ça restait à l’état de brouillon. Pour ce blogue par exemple, j’avais au moins 10 textes de commencer et qui attendaient le bon moment pour les travailler. J’en avais encore 10 fois plus qui dataient de l’an dernier et qui attendaient, attendaient, et attendaient encore parce que depuis deux ans, je manque d’énergie, de temps et de passion pour écrire. J’ai un roman de 290 pages qui attend. Oui, lui, je l’ai sauvé du désastre. Mais y a un mec ce soir qui va (ou qui a) effacer deux ans de travail sans même avoir le début du commencement d’une première miette de remord.
Un pauvre type qui a plus besoin d’aide que moi.
Un bon mec à la base qui est devenu con par la force des choses.
Il m’a volé mon esprit et m’a piqué mes photos de V... que je ne verrais plus jamais.
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