mardi 17 septembre 2013

Noel Picard



10 mai 1970. Bobby Orr vient de marquer le but gagnant qui donnera au Bruins de Boston leur première coupe Stanley depuis 1941. Cette photo est sans doute l’une des plus emblématiques du hockey moderne. Orr semble littéralement voler au-dessus de la glace. Il y a une raison pour ça. Noel Picard, le défenseur des Blues de St-Louis vient de le faire trébucher au moment où il lançait au filet. 

Noel Picard a joué une seule saison de 16 parties pour les Canadiens de Montréal en 1964-65. Il a eu la chance de remporter la coupe Stanley cette année-là. Il a ensuite traîné sa bosse dans les ligues mineures jusqu’à l’expansion de la LNH en 1968 où il s’est joint aux Blues de St-Louis. Il y restera jusqu’en 1973 avant d’être échangé aux Flames d’Atlanta. Il terminera sa carrière cette année-là. Un modeste joueur qui serait resté dans l’anonymat complet n’eut été de cette célèbre photo qui aura fait de lui un personnage mythique de ce sport. 

J’ai vu Noel Picard cet après-midi dans ma succursale. Des collègues m’avaient dit qu’il était un client régulier, mais je ne l’avais encore jamais rencontré. On m’avait dit aussi qu’il ne sortait jamais sans son maillot des Blues de St-Louis sur le dos. 
Je peux le confirmer. 

Il est entré en marchant péniblement, traînant de la patte, claudiquant comme si on lui avait attaché un poids à la cheville droite. Le dos un peu voûté, un manteau d’hiver bon marché et démodé sur le dos, la tête basse, il est passé devant moi en me saluant tout bas. C’est en voyant le logo des Blues sur son maillot que j’ai eu un doute. Il s’est dirigé vers l’allée des vodkas, s’est pris un 26 onces de Troïka après avoir hésité un peu et s’est ramené vers les comptoirs-caisses. J’étais juste devant lui, en train de refaire un étalage de vin en promotion. Je n’ai pas pu m’empêcher de savoir. 

- Vous êtes monsieur Picard ? 

Il m’a regardé et j’ai vu ses yeux s’allumer. 

Oui. 
- Est-ce que je peux vous serrer la main ? 
- Bien sûr. 

Il a déposé sa bouteille sur le comptoir et est venu me mettre sa grosse paluche dans la mienne. 

- C’est un honneur monsieur Picard. 
- Merci. 

Il était drôlement fier d’être reconnu. Fier aussi que je lui aie demandé de lui serrer la pince. Je suis venu à deux doigts de lui parler de cette photo, mais au dernier moment, j’ai eu la présence d’esprit de ne pas le faire. Je me suis dit que sa journée serait encore plus géniale s’il pouvait croire que je l’avais reconnu non pas parce qu’il fut l’instant d’un battement de paupière le personnage secondaire d’une photo mythique, mais juste parce qu’il est Noel Picard, un ancien joueur de hockey professionnel. 
Y a des fois où je me sens comme Amélie Poulin. 

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