vendredi 24 août 2012

Membre officiel


Voilà, c’est fait. Je suis officiellement membre de Québec Solidaire. C’est la première fois de ma vie que j’adhère à un parti politique. Même après avoir travaillé pendant des années au PQ, je me faisais un devoir de ne pas prendre ma carte de membre. Par principe, je me gardais cette petite gêne. Ça me donnait une porte de sortie en cas de désaccord d’idée. Ce qui était un risque constant dans ce parti qui comptait autant d’élus de droite que de gauche. 
Comme des milliers de personnes, je votais PQ pour l’indépendance. Jusqu’à ce que j’en ai eu ma claque de leur éternelle tergiversation sur le sujet. J’étais dégouté de voter avec ma tête et non avec mes tripes. Mais comme aucun parti ne représentait mes tripes, j’ai cessé de voter tout court. 
J’ai recommencé à voter depuis Québec Solidaire et surtout depuis Amir Khadir. Oui, je l’avoue, j’ai une grande admiration pour le bonhomme. Et puis aussi pour Françoise David. Partir de rien, comme ça, et arriver à toucher près de 10% de la population avec des budgets d’opération minimalistes, ça prend de la conviction et de l’acharnement. Ça prend surtout des gens qui croient au rêve, qui croient solidement à un avenir plus juste pour tout le monde, jeunes et moins jeunes. J’suis peut-être naïf, mais justement, avec eux, j’ai envie d’être naïf et d’y croire encore un peu. Les grandes avancées humaines furent toujours accouchées par des rêves. Sans des gens comme nous, la gauche humaniste, les enfants travailleraient encore dans les usines. 

Suis passé au bureau du comté de Mercier ce matin. Je me suis pris une carte de membre et puis un panneau balcon pour ma maison avec la grosse face d’Amir dessus. Les bénévoles présents étaient super sympas. Des gens comme moi, des gens de ma famille de rêveurs. Ça fait du bien de trouver son groupe. Ça fait du bien d’être avec des gens qui partagent les mêmes espoirs, les mêmes frustrations, les mêmes rêves. 
Oui je sais, ça fait un peu cucul. Mais je m’en tape. À voir le nombre de crétins qui vont voter pour la CAQ ou pour le PLQ, arrive un moment dans ta vie où tu ne veux plus te faire chier. Que t’as juste envie d’être avec des gens comme toi, qui bouillent en dedans chaque fois qu’on fout une centaine travailleurs à la porte sous prétexte que c’est pour rassurer les actionnaires. 99% de licenciés potentiels pour rassurer le 1% de riches permanents. En des temps plus anciens, on a coupé des têtes de roi pour moins que ça. Mais comme je ne suis pas violent, j’aspire encore à voir les choses changer par cette manière de démocratie qu’on nous propose. Je me colle sur QS. 
Je suis sorti de là avec ma grosse pancarte sous le bras. Et là, qui je vois-t-y pas sortir de sa bagnole de l’autre côté de la rue? L’ami Amir en personne. On attend chacun de notre côté de la rue que les voitures passent pour qu’on puisse traverser. Il me voit et m’envoie la main comme s’il me connaissait. Les voitures passent enfin et la rue est libre. On traverse et on se retrouve en plein centre, sur la double ligne jaune. C’est certain qu’il ne peut pas se rappeler de notre conversation d’il y a trois mois dans cette épicerie. Il a serré la main de milliers de personnes depuis. Mais Amir reste Amir et dès qu’il te parle, il te donne l’impression qu’il te connait depuis toujours. Ce n’est pas de la «technique» comme j’ai souvent vu au PQ, mais quelque chose de profondément sincère. Bien sûr, avec mon carré rouge et mon affiche avec sa face dessus, il est en terrain conquis. Il le sait. Mais justement, c’est ce qui fait sa force. La poignée de main est franche et le tutoiement automatique. Devant monsieur Parizeau, tu disais instinctivement «Monsieur» parce que justement, il en imposait sans même le vouloir. C’est Monsieur Parizeau et ça te passe même pas par la tête de dire «Jacques» Hyper sympa aussi, pas «fake» non plus, mais il avait ce je ne sais quoi d’intouchable qui te paralysait solide, mais que t’acceptais parce qu’il te vouvoyait toujours, que sa poignée de main était tout aussi franche que celle d’Amir. Il te parlait et te regardait avec respect parce que t’étais de la même famille, même si t’avais les cheveux longs comme moi et que t’étais pas rasé. Monsieur Parizeau est un bourgeois comme on n’en fait plus au Québec. Mais quoi qu’on a pu dire sur ce monsieur, c’est un homme que je respecte beaucoup parce que j’ai senti de sa part un respect de ce que j’étais chaque fois qu’on s’est parlé. Même la fois où je lui ai pété la porte des chiottes sur la tête sans faire exprès, il n’a pas fait autrement. Il s’était excusé!!! C’est moi qui l’avais tapé avec la porte et c’est lui qui s’excusait! Sacré monsieur Parizeau. Et en plus, il se sentait tout mal pour moi parce que j’étais mort de honte. Comme si j’avais porté comme lui un complet cravate trois pièces. Pas de différence dans sa tête. Il était cool monsieur Parizeau. 
Comme un de ces bons profs qu’on a bien aimés. D’ailleurs il était comme ça, comme un prof cool. Enfin tout ça pour dire que si tu ne pouvais pas t’empêcher de vouvoyer monsieur Parizeau, inversement, tu ne peux pas t’empêcher de tutoyer Amir quand tu le rencontres. C’est comme ça, ça ne s’explique pas. Mais Amir, il est en campagne électorale alors le premier truc qu’il te demande quand t’as encore ta main dans la sienne, c’est «T’habites où». Après lui avoir répondu, tu le vois qui regarde en haut, vers le ciel, en se figurant le plan de la ville. Une fois qu’il a bien situé sa carte de la ville dans sa tête, il te dit « C’est bien! On a pas beaucoup de pancartes dans ce coin là». Et puis s’en suit une courte conversation sur les gens de mon secteur, du Café des Bois entre autres qui est situé juste à côté de chez moi et qui est un rendez-vous de clients gauchistes. Il te parle du propriétaire qui votait pour les verts, mais qui s’est rangé pour QS depuis. La conversation se déroule en plein milieu de la rue St-Denis, sur la ligne double. Des voitures passent et les conducteurs nous regardent d’un drôle d’air. Et c’est vrai que la scène est cocasse. Moi avec ma pancarte d’Amir et Amir qui parle au mec qui tient une pancarte avec sa face dessus. Pendant qu’il me parlait, je ne pouvais pas m’empêcher de penser que ça ferait une super belle scène de cinéma italien. J’avais l’impression d’être dans un film de Nanni Moretti. Je suis comme ça voyez-vous, je ne peux pas m’empêcher de cinématographier ma vie. Notre conversation est soudainement  interrompue par la sonnerie de son téléphone. «Oui d’accord, j’arrive» Il raccroche et me serre encore la main. «je dois y aller, je donne une entrevue. Je suis en retard» Le seul sourire qu’il m’a envoyé, c’était au début, quand nous attendions pour traverser la rue. Tout le reste, la poignée de main, la conversation, c’était du Amir en mode campagne électorale. «T’habites où? Ça se passe comment dans ton coin? C’est quoi ton feeling?» Ce n’était pas de la bullshit. Il t’écoute et boit tes paroles. T’es au premier front. Tu deviens automatiquement un de sa gang. Ni plus haut et ni plus bas que lui. Unis pour la même cause. Il me parle en tant que porte-parole de mes frustrations et de mes rêves. Il me représente à l’Assemblée nationale. Et vous allez rire, mais c’est exactement comme ça que je l’ai ressenti. Tu le prends comme il est et justement, c’est exactement ce que tu veux d’un politicien. 

Ouais je l’avoue. J’admire Khadir. Il me donne envie d’y croire encore.

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