Quelque par au nord de tout, sur les berges d’une rivière perdue, j’ai vu cette vieille tête de pierre sculptée par les siècles et les glaces. On dirait un cousin boréal de ces divinités silencieuses de l’île de Pâques. Le corps est manquant. Je me suis amusé à imaginer qu’il aura été emporté par ces flots millénaires dans lesquelles la truite printanière n’aime pas trop rencontrer mon leurre métallisé. J’aime la truite, mais ce n’est pas réciproque. Dommage. Enfin bref, cette tête m’a fasciné. À tel point que j’en ai oublié de pêcher pendant un long moment. Les yeux sont mi-clos, dessinant une impression de fatigue ou d’engourdissement. Un gros sourcil touffu coiffe celui de gauche tandis que l’oeil droit en est dénudé. Une ligne horizontale trace la bouche d’un bord à l’autre du visage avec un net relevé sur son côté gauche. Cela forme une manière de rictus impossible. On hésite entre le début d’un sourire ou la fin d’une longue douleur. Peut-être le deux à la fois finalement. Allez donc savoir ce qui se cache dans une tête de pierre. Un menton proéminent termine de s’affaisser au pied de la rivière. En la contemplant, j’avais l’impression d’entendre cette tête penser.
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