vendredi 13 avril 2012

Pêche


On ira prendre des truites. Ou alors s’il n’y en a pas, on prendra tout simplement du bon temps. Le bon temps, c’est plus facile à attraper que les poissons. Même si, quelque part, c’est plus rare. 
Allez comprendre. Moi je comprends. C’est ça l’important. 
Un jour, je me suis fait chier toute la journée sur un lac qui ne mordait pas. Il pleuvait. Il faisait froid. Une putain de petite pluie de merde. Pas assez fort pour te faire sortir du lac, mais juste assez régulière pour te maintenir dans une humidité permanente. Pas de soleil. Qu’un ciel recouvert qui se prenait pour un fond de cendrier. Tu bouffes ton sandwich dans la chaloupe et ton pain est mouillé. De la flotte dans la chaloupe. De la flotte dans les yeux. Toute la journée. Puis, juste avant de quitter le lac, en fin de journée, Crack! Mon leurre se fait attaquer par quelque chose de gros qui vit dans les profondeurs du lac.   Je donne un coup sec pour bien ferrer le monstre. Je le vois qui sort de l’eau, décrivant un arc de cercle en tentant de se défaire de mon hameçon. Une méga truite arc-en-ciel qui fait Splach! en replongeant dans le lac. J’empoigne ma puise. Je ramène la bête. Trophée de pêche! Je ne sais pas le poids que ça faisait. Mais je sais que ça m’a donné deux mégas filets que j’ai mangé avec un délicieux Chardonnay australien. À peine 30 secondes d’extase dans 10 heures de froide humidité. Mais ce fut inoubliable. 
Une autre fois, au lac Kempt avec mon ex. Nous pêchons le doré. Ça mord. Je ramène le poisson. Au moment où il se retrouve à la surface, bang! Un gros brochet qui passait par là l’attaque comme un requin. Pendant que je tirais le doré de mon bord, le brochet lui plantait sa mâchoire dans les flancs en tentant de le caler. Chouette moment. J’ai pu récupérer le doré, mais pas le brochet. Fallait voir l’état de mon doré une fois dans la chaloupe. Pauvre petite bête. Il avait le côté droit tout scrounché par l’attaque du brochet. 
Une autre fois, à la truite à la pourvoirie St-Zénon. Trois heures à gosser en rond pour trouver le moyen de faire mordre la foutue truite. Je décide de jouer avec mon bas de ligne. Il est à environ 12 pouces de ma cuillère. Je me dis qu’à 24 pouces, ça pourrait aller mieux. Nous sommes en fin de saison, l’eau est chaude, la truite vient de passer un été à se gaver, elle paresse tout au fond du lac. Faut aller la chercher mec. Je retire donc mon 12 pouces pour le remplacer pour un 24. Après quelques essais, ça mord. Une truite, puis une deuxième, puis une troisième. J’ai trouvé l’astuce. Moment grandiose où tu viens de percer le mystère de la proie. Ça va chercher le vieux prédateur de Mammouth en toi. T’as les mains poisseuses à force de toucher le poisson. Il fait chaud, ça pue la poissonnerie et le ver de terre, c’est le bonheur absolu. Puis tu regardes ton montage de 12 pouces qui repose tout con sur ton banc de chaloupe et tu te dis, ouais, pourquoi pas? Audace, audace, audace! Je le combine avec mon montage de 24 pouces. J’ai donc deux hameçons au bout de ma cuillère. Une Toronto Webler argentée, bien sûr. Un à 12 pouces, l’autre à 24. Vous me suivez? Parfait, continuons. Je ne lance pas ma ligne parce que les montages vont s’entortiller entre eux. Je la dépose délicatement dans l’eau et je déroule mon moulinet. Je donne environ 30 pieds de corde tout en me déplaçant lentement grâce à mon moteur électrique. Je racle le fond au risque de me coincer, mais je tente le coup. J’ai arpenté le secteur et je sais qu’il n’y a pas de souche. Si je me coince, ce sera contre un rocher. Une affaire de rien pour m’en défaire. Et puis là, Bang! Bang! Deux coups secs. Je ferre, je mouline et puis fuck! Le doublé! J’attrape deux truites en même temps. Mais fuck de fuck, je suis seul! Et je n’ai pas d’appareil photo! Et je sais déjà que lorsque je vais raconter ça, personne ne va me croire. 
Même histoire, mais inversée. La kempt encore. Je suis avec mon père dans la chaloupe. On trôle. Il fait beau, on a 345 987 912 dorés dans le frigo depuis le début du voyage de pêche. Une pêche de fou. C’est en juin, en pleine période et au bon moment. Ça mord tellement qu’avec le paternel et les frangins, on se met une limite de grosseur. Le premier doré attrapé dans la journée sert d’étalon. Si le prochain est plus gros, on libère le premier et on garde le second. Et ainsi de suite de doré en doré en espérant le monstre et en ayant une pensée pour la survie du lac. On y passera une semaine comme ça. On bouffe du doré matin midi et soir. Enfin bref, ce jour-là, mon père est au moteur et je suis à proue de la chaloupe. Ça mord à ma ligne! Une seconde après, ça mord à celle de mon père. Pendant un moment, on croit s’être emmêlés. On ramène chacun de notre côté. Après un instant, on voit nos fils sortir de l’eau complètement emmêlés. Fuck. Mais quelques secondes plus tard, on voit un doré qui se ramène. Le jig (hameçon pour doré) de mon père est dans la gueule du poisson et le mien, mon jig, est accroché au flanc du même doré. On a attrapé le même foutu poisson en même temps! 
Lac Koël avec ma fille. Elle a quelque chose comme 10 ans. On se baigne et on pêche en même temps. À la ligne morte surtout, avec un flotteur. Ça mord! On ramène. Une barbotte. Une belle. Bien dodue et bien préhistorique. Impossible de la remettre à l’eau parce que cette conne s’est avalé l’hameçon tellement profond que je ne peux même pas espérer lui garder la vie en retirant la chose. Mais une barbotte, c’est l’équivalent d’un char d’assaut chez les poissons. Plus vivace que la connerie chez l’humain. C’est tout dire. Elle était toute dégoulinante de sang quand je suis parvenu à lui retirer l’hameçon. J’en profite pour expliquer à ma fille que ce foutu poisson, si je le remets à l’eau, il va trouver une manière pour n’agoniser que dans trois mois. Mieux vaut le passer tout de suite à la moulinette. On se le bouffera sur feu de bois. C’est délicieux. Du coup, je lui balance 5 ou 6 coups de pierre sur le crâne, question de ne pas le rater. Un vrai massacre. Une fois bien mort, je vais au lac pour le laver de toute cette dégueulasserie sanguinolente qui lui coule de partout. Et vous savez quoi? L’enfoiré en profite pour s’échapper! Si, si! Puis deux minutes plus tard, on le voit remonter à la surface, mais flottant sur le dos. Il donne deux ou trois coups et se remet sur le ventre. Il plonge.... puis revient à la surface sur le dos, agonisant. Puis il replonge. Pas possible, ce poisson n’est pas tuable! Je me fous en bobette, je plonge à l’eau et je ramène l’ostie de poisson à la nage. Cette fois, je ne le manque pas. On le bouffera le soir autour du feu. 
Tout ça pour dire que merde, je commence à avoir hâte d’aller pêcher.

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