Un autre client. Il est Colombien. Si je le sais, c’est parce qu’il n’arrêtait pas de le répéter. Il sent un peu l’alcool. Il est à ma caisse et discute avec un autre client concernant la dernière bavure policière. Ce type qui s’est fait tuer par un policier dans Hochelaga-Maisonneuve. Le Colombien explique que le mec voulait sans doute se suicider, mais qu’il n’y parvenait pas. En provoquant la police, il savait ce qu’il faisait. En fait, il voulait mourir selon lui. L’autre client quitte le magasin et je reste seul avec lui. Il poursuit cette fois son explication en me prenant à témoin. Il me parle des conditions de pauvreté qui existe en Colombie, il m’explique qu’il comprend parfaitement ce que la victime pouvait ressentir. Pour ajouter un peu de conviction à ses propose, il soulève son pull et me montre son ventre. Je vois la plus incroyable cicatrice que j’ai vue de ma vie. Elle part juste en bas du nombril et remonte jusqu’au thorax. Ça fait comme un gros boudin mal chié avec de la chair qui pendouille bizarrement tout le long d’un sillon rosé en forme de zigzag halluciné. C’est impressionnant et dégueulasse en même temps. «Coup de couteau» qu’il me dit. Je tripe quand mon boulot me donne ces petits moments délirants que tu ne peux pas vivre dans aucun autre travail. Ça te fait entrer par la grande porte dans une autre dimension. Il m’explique qu’au pays, avant d’arriver au Canada, il fréquentait des gens pas très catholiques. Je ne sais plus quoi dire. Il est fier du résultat et je suis certain que je ne suis pas le premier à qui il fait le coup. Mais juste pour poursuivre un peu plus cette discussion, je lui demande s’il est arrivé au Canada avant ou après 2002, c’est à dire avant ou après le kidnapping d’Ingrid Betancourt. «Après»... puis il baisse la tête un moment. Il rajoute enfin «mais zé dézà fait parti des FARC! Hey! Z’étais zeune et z’avais faim! Zé né zavais pas zé qué zé faizais!» Vrai ou faux? Je dirais plus faux que vrai. Je crois qu’il voulait en mettre un peu plus que pas assez. Il a quitté à me «zurant» que c’était vrai. Juste après lui, j’avais un autre client qui attendait pour mon aide. «J’suis désolé monsieur, je dois parfois faire office de psychologue». Le client, c’était un vieil Italien de 81 ans, mais solide comme le rock. Si je le sais, c’est qu’il n’a pas cessé de me répéter son âge. «T’aurais dou l’envoyer chiiier!» qu’il me dit. Puis il rajoute : Ces raaaaces, y sont di la vaaaarmine pour li Canada! Ma! Pourquoi li gens y sont michantes ‘vec les Italiens ma pas ‘vec ces raaaaces! Que pour Italiens, y zont fa les routes de c’te pays, zont fa les ‘sphaltes partout, y zont travaillez doure! Ma ces races, y touent li zens! Y prostitouent li filles! Y touent leur mère! Y sont les gangs de roue! Ma parsonne y dient rien contre ces raaaaces! Ma!
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