Ça devait bien faire trois ans au moins que je n’avais pas travaillé à cette succursale. J’ai reconnu quelques vieux clients. Ce monsieur entre autres qui passe le matin s’acheter deux bouteilles petit format de vodka et qui revient en fin de journée en racheter deux autres. Discret et introverti le matin, joyeux et volubile en fin d’après-midi. Allez savoir pourquoi.
Il ne m’a pas reconnu, mais moi si. Un mec comme ça, ça ne s’oublie pas. On parlait souvent de pêche ensemble. À tel point qu’il m’avait acheté une gogosse en bois qui représentait un poisson sculpté à la machine; un machin qui s’accroche au mur et sur lequel tu peux suspendre tes clés. Un truc de pêcheur. Mais il ne me reconnaissait pas. Je n’ai rien dit pour ne pas le mettre mal à l’aise. Néanmoins, c’était une bonne chose parce que je pouvais lui raconter les mêmes histoires qu’il y a trois ans. Ça m’a fait passer un bon moment.
Il est retraité et sa femme est morte depuis quelques années. Il passe ses journées à se promener dans sa voiture et à picoler entre tout ça. Il termine sa balade vers 17h et vient s’acheter ses dernières bouteilles qu’il terminera à la maison. Demain matin, vers 10h, il sera là, fidèle à son horaire de retraité. Il va m’amener les coordonnées de la pourvoirie de pêche où son frère a l’habitude d’aller. Lui, il ne pêche plus à cause de son dos. Trois heures assis dans une chaloupe, c’est trop qu’il m’a dit. À la place, il chasse. Et il boit.
Il est à la retraite, sa femme est morte, il boit toute la journée en tournant en rond dans sa voiture et sa vie sociale se résume à parler de pêche et de chasse avec des commis de magasin.
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