- Alors, vous avez travaillé sur ce qu’on avait parlé la dernière fois?
- Ouais ouais. Ç’a été très positif.
Ce n’est même pas vrai. Je n’ai rien fait de ce que ma psy m’a demandé. Elle voulait que je prenne une page blanche et que je choisisse un thème. Quelque chose comme colère, frustration, tristesse, rêve, amour... ce genre de chose. Ensuite, il fallait que j’écrive ce qui me passe par la tête en laissant aller ma plume, sans me censurer et sans me relire. Écrire d’un jet, sans penser. Je n’ai rien fait parce que je ne suis pas capable de faire ce genre de truc sans aussitôt me mettre à déconner. C’est plus fort que moi. Tenez, je vais le faire devant vous. Vous allez bien voir.
Colère: Piston magnétique au fond sidéral. Plancenta de l’inconscient qui rugit dans l’ombre. Vaclav Havel est mort en décembre, mais y a encore un tas de cons qui vivent partout sur la planète. Planète mars. Mars est un mois de l’année. Année yé-yé. Do you do you St-Tropez, badabadoum. Mon étiquette, c’est ma casquette. Donne-moi toi bouche, allons n’aie pas peur, de moi. C’est toujours comme ça la première fois, on a peur du loup et on a peur du (j’me souviens plus du dernier mot... ) soir (?). Soir de première au grand théâtre de l’Alcazar mettant en vedette Ramone Zarate le grand lanceur de couteaux dans un numéro à vous couper le souffle et le reste aussi. Des couteaux, ça coupe. Coupe de cheveux. Çeveux çur la langue. Langue de bois. Langue dans le vinaigre blanc d’Amérique. L’Amérique, l’Amérique je veux l’avoir et je l’aurai. Tous les sifflets de train et toutes les sirènes de bateaux vont chanter cent fois la chanson de l’Eldorado. Joe Dassin portait des pantalons serrés, mais les femmes aimaient bien ça à cause de la poche d’en avant qui était une illusion d’optique fabriquée avec un chausson de laine. C’était l’époque où l’esthétisme vestimentaire souffrait d’un grave cancer à l’abdomen qu’on se demande bien pourquoi d’ailleurs. Mais revenons à la colère parce que sinon je vais bousiller mon examen de dépression nerveuse. Colère, colère, colère...
Voyez? J’y arrive pas. Essayons quand même avec un autre mot, juste pour voir. Des fois que.
Amour: Effet transitoire d’une folie combinée. En jouant avec les lettres, on peut faire Rouma, Mouar et Omaur qui ne veulent absolument rien dire, mais comme c’est un travail de l’inconscient, on laisse aller et on analysera tout ça plus tard. C’est beau l’amour, surtout en HD. Mais j’ai pas de HD. Ni de télé d’ailleurs. Je n’ai que mon laptop sur lequel je regarde des documentaires sur l’Occupation nazie et où il n’y a pas d’amour du tout. Ou alors je ne l’ai pas trouvé. Question d’examen: L’amour est-il soluble dans un régime fasciste? Tiens, au moment où je lève les yeux sur ma fenêtre, je vois le ciel s’éclairer par une éclaire justement. Un 18 janvier!!! J’aime pas l’hiver. Enfin, j’aime moins qu’avant. L’amour l’amour l’amour... revenons à l’amour nom de Dieu! «Dieu est amour» disent les curés. Ah ouais? Pas sûr. Ou alors l’amour de son prochain, mais par arrière seulement et juste avec les enfants de choeur. Amen. Je dois rester concentrer et travailler comme ma psy me l’a demandé. L’amour donc. Être bien, mais payer très cher plus tard ce bienêtre par une rupture bête et cruelle. L’amour de ses enfants, le seul vrai. Le reste, c’est de la merde. Sauf si elle a de gros totons. Même encore, faut voir. Question d’examen : Les gros totons sont-ils solubles dans un régime fasciste? Focus merde! Restons concentrés! Cessons de déconner nom de Zeus et nom d’un petit bonhomme allumette qu’on se demande bien pourquoi on ne dit pas plutôt un bonhomme filiforme? Mais que fait donc le gouvernement? Je vous le demande braves gens.
- Et l’amour dans tout ça?
- Dans tout quoi?
- Dans tout ça?
- Quoi ça?
- Ça! Tout quoi, merde!
- J’sais pas. Faudrait que j’y pense, mais je n’ai pas le droit de penser. Faut que ça sorte tout seul, l’inconscient tu comprends. Sinon je suis recalé à l’examen de la dépression et je serai bon pour une simple mélancolie. Alors donc, l’amour. Je me gratte la tête. Être aimé ou aimer? Telle est la question. Shakespeare non?
- Oui! Bravo! Vous vous méritez un weekend d’amour au chic Plaza d’El Pépito avec l’amour de votre vie.
- Mais c’est qui l’amour de ma vie?
- Ch’sais ben pas moé mais vous avez deux semaines pour la trouver. Notre offre se termine le 1er février.
- Fuck! L’amour de ma vie, celle que j’ai le plus aimée ou celle que j’aimerais tellement qui m’aime?
- Ch’sais ben pas moé mais vous avez deux semaines pour vous décider. Notre offre se termine le 1er février.
- Fuck... heu est-ce qu’on peut revenir dans le passé?
- Bien sûr.
- Alors j’opte pour Lisa Siminaro et transportez-moi quand j’avais 12 ans. Je crois que c’est elle que j’ai le plus aimée dans ma vie. C’était la première, vous savez. Celle dont on se souvient toute notre vie. Je l’aimais en cachette, mais mon filet de bave aux coins des lèvres quand je la voyais me trahissait à chaque fois. Qu’est-elle devenue?
- Ch’sais ben pas moé mais vous avez deux semaines pour la retrouver. Notre offre se termine le 1er février.
Ah fuck, je déteste ce genre d’exercice. J’arrive pas à me «libérer» de ma pensée. Une amie qui discutait toute nue avec moi m’a déjà dit que j’intellectualisais trop mes émotions. C’est peut-être ça mon problème dans le fond. Je focalise trop sur mes pensées et pas assez sur mes sensations. Même quand je baise, je n’arrive pas à me libérer. J’ai toujours de curieuses pensées qui compliquent mes ébats. Il me vient toujours des images pas possibles. Comme celle par exemple où ça ne prendrait qu’une demie coquille d’oeuf pour contenir la totalité des spermatozoïdes ayant été nécessaires à la conception des 80 milliards d’homo sapiens qui sont passés sur notre planète. Une demie coquille d’oeuf ciboire! Toute l’histoire de l’humanité contenue dans un si ridicule récipient. Du coup, ça me fout des angoisses terribles qui provoquent des sueurs froides et des engourdissements au niveau du bassin.
- Ça va chéri?
- Pas vraiment. Pendant que je te labourais bestialement, il m’est venu une pensée terrible.
- Laquelle?
- Et si parmi le spermicide que nous étions en train de commettre, il s’en trouvait un - spermatozoïde - qui serait le prochain Mozart ou Einstein? T’imagines le gaspillage d’intelligence? Ne serait-ce pas un crime contre l’humanité?
- Tu penses vraiment à ce genre de chose?
- Ben ouais, pourquoi pas?
- T’es donc un de ces tordus de pro-vie?
- Non, non! Sois rassurée. Je suis juste un indécrottable angoissé.
- Bon, je crois que je vais m’en aller. T’as un numéro de taxi?
- Tu t’en vas? Mais on vient à peine de commencer!
- Je sais. Mais je ne voudrais pas être accusée de complicité de meurtre du prochain Mozart. Tu commettras tout seul ton crime. Je vois d’ici les manchettes dans le Journal de Montréal : «Mozart assassiné dans un Kleenex!» Allez, adieu pauvre con.
Voyez le genre? Non vraiment, la vie n’est pas facile pour un torturé de ma sorte. C’est pour ça que je suis bien qu’avec des torturées comme moi. Imaginons par exemple la même scène d’amour (pour rester dans le thème de l’examen), mais cette fois, avec une nihiliste de mon genre.
- Ça va chéri?
- Pas vraiment. Pendant que je te labourais bestialement, il m’est venu une pensée terrible.
- Laquelle?
- Et si parmi le spermicide que nous étions en train de commettre, il s’en trouvait un — spermatozoïde — qui serait le prochain Mozart ou Einstein? T’imagines le gaspillage d’intelligence? Ne serait-ce pas un crime contre l’humanité?
- Pas forcément.
- Qu’est-ce que tu veux dire?
- Tu vois, t’es trop optimiste dans la vie et pas assez réaliste. C’est pour ça que tu es si malheureux. Je pensais justement à la même chose que toi sauf que moi, je me disais que nous étions en train de poser un spermicide qui allait aider l’humanité. Car qui nous dit qu’il ne s’en trouverait pas un — spermatozoïde — qui serait plutôt le prochain Hitler ou Mario Dumont?
- Oh!... Qu’est-ce que je t’aime toi! Allez, on remet ça!
Vous voyez, je n’y arrive pas. Faut toujours que je déconne. C’est mon plus gros problème dans la vie. Pas sérieux, jamais. Ou si peu.
Bref, tout ça pour dire que j’ai passé ma deuxième séance avec ma psy. On a parlé d’un tas de trucs intéressants encore. On a débordé l’horaire et j’ai glané 30 minutes de plus. Il faut dire que je la faisais drôlement rire. Elle s’est vraiment éclatée à au moins trois reprises.
Elle est diplômée de l’UDM. J’ai vérifié subrepticement ses diplômes encadrés. Elle fume. Je l’ai remarqué par sa toux sèche. Je crois qu’elle a souffert d’une précédente relation. À un moment, pour me donner un exemple quelconque sur un sujet quelconque, elle a dit «c’est comme quelqu’un qui frappe à la porte de votre chambre et qui vous dit «Écoute-moi! Écoute-moi!»» J’ai tout de suite visualisé son ex. Elle doit picoler aussi parce qu’elle ne commence pas ses journées avant 15h. Elle dit que c’est parce que la majorité de sa clientèle travaille et ne peut se libérer qu’à partir de 17h. Douteux. Elle parlait de ses grasses matinées avec trop d’emphase. Elle picole, c’est certain. Sa mère vit dans un foyer pour personnes âgées. Je le sais par un détail qu’elle a dit. Elle n’a pas parlé de son père. Il doit être décédé. Elle ne connaissait pas le terme «cato» pour catholique. Je m’interroge. Du coup, je me dis qu’elle n’est pas de gauche ou alors elle n’a pas d’opinion politique clairement définie. Je sais qu’elle regarde les infos sur TVA parce qu’elle me parlait des pubs à répétitions pendant les infos de 18h à la télé. Radio Canada n’a pas autant de pubs. C’est donc TVA qu’elle regarde. Je devrai donc rester sur mes gardes. Elle a une petite moustache de duvet et la dentition inférieure incomplète. Elle néglige donc son apparence. Elle picole sans doute.
Je vous en reparlerai plus longuement mardi prochain.
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