mercredi 22 décembre 2010

Cette main!!

Schubert couvre mon logement d’une chape de nostalgie. Musique de circonstance pour un 21 décembre qui se s’efface doucement. Curieuse journée. Curieuse soirée. Les dernières journées avant Noël sont remplies d’absurdités frénétiques et de fatigues combinées. Les gens sont tous fous, tous débiles, tous complètement abrutis par «cette urgence» de consommer.

J’étais là, sur le plancher de vente ou à la caisse, dépendant des urgences et des demandes, et je me sentais complètement décalé de cette stupidité collective. J’observais cette marée de tarés programmés comme des robots par la Très Sainte Religion de la consommation et une fois de plus, j’avais cette terrible sensation de ne pas être en phase avec mon époque.


- Voici le temps des Fêtes! Dépensez bande de cons!


Et parce qu’il est programmé pour suivre le troupeau, pour faire ce qu’on lui dit de faire, pour aller là où l’on veut qu’il aille, voici le grand cheptel humain qui se met à dépenser à défaut de penser.

Ecce homo les bras chargés de cadeaux parce que c’est comme ça qu’on lui dit de faire.


Je voulais passer une soirée tranquille après cette furie démoralisante, ce que j’ai fait. Je viens à l’instant de terminer l’immense cauchemar d’Ingrid Bétancourt qu’elle a publié sous forme de livre. Je l’ai lu lentement, très lentement. Je voulais m’imprégner au maximum de cette longueur du temps qui émane tout au long des chapitres. Comment aurais-je pu survivre avec une chaîne autour du coup pendant des années? «À midi, nous vîmes passer nos compagnons de l’autre groupe, en file indienne à la suite d’Enrique. Ils étaient tenus en laisse comme des chiens par un garde qui marchait derrière en pointant son fusil sur eux.

Je ne m’habituais pas à voir une chaîne autour du cou d’un homme.

Nos compagnons nous dépassèrent en nous frôlant, au risque de trébucher sur nous. (...) Nous dûmes les suivre. Nous aussi en silence, nous aussi tenus en laisse.»


J’ai trouvé cette photo sur le web. Ce sont les mains de Ingrid Bétancourt crispées par l’émotion à sa descente de l’avion le jour de sa libération. Superbe photo. Elle porte, au poignet gauche, une montre que l’un des chefs des FARC lui avait donnée les premiers jours de sa captivité et qui, dans la jungle, deviendra un objet d’une rare valeur. Elle porte aussi un bracelet qu’elle avait tissé elle-même pour passer le temps lors de ces longues journées à tuer le temps. À noter le crucifix qui pend ainsi que le bout de tissu vert dont j’ignore la signification. Je sais par contre qu’elle est très croyante et qu’elle s’en remettait souvent à Dieu pour ne pas sombrer dans le désespoir. Ma théorie personnelle est que ce bracelet serait une sorte de chapelet de Marie semblable à ces chapelets de Scout. Deux indices me portent à le croire. D’abord à cause des boutons qui serviraient à compter le nombre de «Je vous salue Marie». Et ensuite, et surtout devrais-je dire, parce que Ingrid Bétancourt n’a jamais caché sa dévotion à la vierge Marie. Mais j’aimerais que votre attention se porte surtout sur la main droite, celle dont le poignet est recouvert par un bandeau noir. Sans doute une blessure, mais dans le livre, il n’est nullement mention de ce bandeau ni de cette «blessure». Mais ce n’est pas vraiment important. L’important c’est que cette main à tenu une machette volée à des gardes meurtriers lors de ses tentatives d’évasion dans la jungle. Et ce que je voulais dire aussi c’est que deux ans, cinq mois et quelques jours après que cette photo fut prise, ma main à moi s’est retrouvée dans cette main là. Et à deux reprises à part ça! C’est d’ailleurs cette même main qui a écrit mon prénom à moi et qui me fut donné par ma mère. Je peux vous affirmer que c’est une toute petite main, mais toute chaude et remplie de vie.

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