jeudi 11 mars 2010

Hochelaga-Maisonneuve blues... part 345

Ça s’est passé à deux jets de pierre de mon logement :

http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/les-patrouilleurs/201003/09/01-4258677-incendie-dans-hochelaga-maisonneuve-lendroit-avait-mauvaise-reputation.php


Je n’ai rien vu, rien senti, rien entendu et pourtant j’étais chez moi à l’heure où l’incendie faisait rage. Je regardais mon film de Chaplin. Sans doute étais-je trop concentré pour entendre le rugissement des camions de pompier. Il n’y a pas eu de morts, heureusement. Mais des familles sur le pavé.

C’est toujours triste.

Ce quartier est hautement inflammable. Ça brûle ici.

Souvent.

Plus que dans les quartiers plus favorisés de la ville.


Un matin pendant la guerre des motards il y a quelques années. Je me dirige sur la rue Ontario pour prendre l’autobus qui me mènera au boulot. Un chaos indescriptible règne sur le quartier. Voitures de police, camions de pompier, ambulances...

Trois ou quatre bars brûlent en même temps dans un rayon de moins de 2 km. Ce matin-là, le quartier ressemblait à un champ de bataille.


Quelques années plus tôt, c’était le bunker des Hell’s situé entre Delorimier et Papineau, près de la rue Ontario dans ce qui est aujourd’hui un parc. La bâtisse avait été attaquée à la dynamite. Elle avait tenu debout, mais un immense cratère devant la porte blindée prouvait la force de la charge. Un ami qui habitait à deux rues de là avait vu ses fenêtres éclater et sa porte d’entrée littéralement soufflée par l’onde de choc. Par miracle, l’explosion n’avait fait aucune victime.


Rue Dézéry, rue Ontario, rue Darling, trois incendies dont j’ai été témoin alors que j’habitais sur Cuvilier entre 2001 et 2003. Il y en a eu d’autres aussi.


Quartier chaud, poche de pauvreté, royaume de la prostitution et du banditisme à la petite semaine. Néanmoins, quartier vivant et populaire. Beaucoup d’enfants. Pauvres sans doute, mais allumés et joyeux. En tout cas, leurs rires et leur insouciance ne trahissent pas la misère probable de leurs parents. Un touriste du hasard qui traverserait ces rues en plein jour ne se douterait pas que la nuit, ces mêmes rues sont investies par une faune inquiétante.

Quartier pile et quartier face. Quartier recto et quartier verso. Quartier ombre et quartier lumière. La main tendue y côtoie le poing fermé. Ici, les larmes naissent d’un sourire et là, d’une douleur.

Il en va de même des enfants.

Dans ce quartier, les députés se disent près de leurs électeurs et se montrent touchés par leur misère. Électoralement, serrer la main d’un pauvre rapporte. C’est sans doute pourquoi ils ne font rien pour changer les choses. En politique, il y a des politiciens de riches et des politiciens de pauvres. Les politiciens de riches travaillent à garder leurs électeurs riches et les politiciens de pauvres travaillent à garder leurs électeurs pauvres. Chacun sa branche, chacun son discours.

Il y a aussi beaucoup d’églises dans le quartier. Pas autant que les piqueries, mais presque. Deux services pour deux clientèles différentes, mais même opium vendu. Opium de jour et opium de nuit. Les deux font oublier la misère le temps d’un buzz. Dieu aime les pauvres. Les Hell’s aussi. Ils se partagent le quartier, l’un prend le spirituel et l’autre le temporel, mais en blanchissant le même argent. L’église ici est «full patch». Comme en Amérique du Sud ou en Haïti. L’église, comme les Hell’s, déteste les gens qui fréquentent trop longtemps l’école.

Normal, ça ne fait jamais de bons croyants.

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