C'était un soir de décembre 1989. Je travaillais de nuit pour une compagnie d'installation de décors pour des événements promotionnels. Le genre de boulot où tu sais quand tu commences mais tu ne sais pas quand tu termines. Ça faisait quelques semaines que j'étais là et que les nuits successives à travailler jusqu'à l'aube m'avaient salement amoché. Je n'entrais chez moi que pour dormir et manger avant de reprendre le boulot. J'étais incapable de récupérer le jour le sommeil que je perdais la nuit.
Je me souviens de m'être levé ce soir-là autour de 18h et d'avoir pris mon "petit déjeuner" en regardant les infos à la télé de Radio-Canada. C'était avant les chaînes spécialisées, avant le cellulaire, avant l'internet. Je me souviens que la lectrice de nouvelles était Marie-Claude Lavallée. Je me souviens d'une caméra fixe à l'entrée de la Polytechnique.
Je me souviens qu'il neigeait un peu.
Je me souviens des gyrophares des ambulances, des voitures de police, des pompiers.
Je me souviens que les informations ne parvenaient qu'au compte-gouttes. Je me souviens d'avoir passé trente minutes à regarder les infos sans rien apprendre.
On parlait d'un ou de plusieurs tireurs qui avaient fait feu dans l'école. On ignorait le nombre de victimes. On ne pouvais même pas confirmer qu'il y avait des victimes d'ailleurs. En fait, on ne savait pas grand chose.
J'ai terminé mon repas et au pas de course, je me suis rendu au boulot. Le type qui travaillait avec moi ce soir-là n'en savait pas plus que moi.
Je me souviens même qu'on était entré dans le camion en parlant de ça. Puis le travail que nous avions à faire nous a fait oublier le sujet.
Il n'y avait pas de radio dans le camion. De sorte qu'on a passé la nuit sans savoir. Et la nuit justement, elle a passé à récupérer et à remballer je ne sais quels décors quelque part dans ces salles de réception désertes de la couronne de Montréal.
Ce n'est qu'en revenant à l'entrepôt à l'aube et en ouvrant la radio qu'on a appris l'horrible nouvelle. Le mec avait dit ceci : " La dernière confirmation de la police faisait état de 14 femmes tuées à la Polytechnique hier soir...".
Je me souviens du silence qui a suivit. Je me souviendrai toujours aussi du regard de mon pote à l'écoute de ces mots.
J'avais sans doute le même.
On avait été coupés pendant les 12 dernières heures de toute information. La nuit avait été pour nous une bulle qui nous avait arraché de la réalité de notre civilisation. 14 femmes avaient été tuées par un dingue et nous n'en savions rien.
Je me souviens que nous cessions de répéter "14 femmes!" Et nous répétions ce chiffre et ce mot à voix haute comme pour nous le rentrer dans la tête parce que justement, ça n'entrait pas du tout.
Une effroyable réalité.
Je me souviens du choc ressenti par toute la société. Je me souviens surtout du malaise d'être un mâle pendant les semaines qui ont suivit. Quelque chose dans la société québécoise a basculé ce jour-là. Ceux qui étaient trop jeunes ou ceux qui n'étaient pas nés ne peuvent pas comprendre.
J'ai vu ce soir le film Polytechnique qui retrace la journée de ce drame.
Un excellent film tourné avec un grand respect pour les victimes.
À voir pour ceux justement qui étaient trop jeunes ou qui n'étaient pas nés.
Comme un devoir de mémoire.
Pour ma part, et bien que j'aime revoir les films que j'ai apprécié, celui-là restera désormais dans son boîtier.
Je me souviens de m'être levé ce soir-là autour de 18h et d'avoir pris mon "petit déjeuner" en regardant les infos à la télé de Radio-Canada. C'était avant les chaînes spécialisées, avant le cellulaire, avant l'internet. Je me souviens que la lectrice de nouvelles était Marie-Claude Lavallée. Je me souviens d'une caméra fixe à l'entrée de la Polytechnique.
Je me souviens qu'il neigeait un peu.
Je me souviens des gyrophares des ambulances, des voitures de police, des pompiers.
Je me souviens que les informations ne parvenaient qu'au compte-gouttes. Je me souviens d'avoir passé trente minutes à regarder les infos sans rien apprendre.
On parlait d'un ou de plusieurs tireurs qui avaient fait feu dans l'école. On ignorait le nombre de victimes. On ne pouvais même pas confirmer qu'il y avait des victimes d'ailleurs. En fait, on ne savait pas grand chose.
J'ai terminé mon repas et au pas de course, je me suis rendu au boulot. Le type qui travaillait avec moi ce soir-là n'en savait pas plus que moi.
Je me souviens même qu'on était entré dans le camion en parlant de ça. Puis le travail que nous avions à faire nous a fait oublier le sujet.
Il n'y avait pas de radio dans le camion. De sorte qu'on a passé la nuit sans savoir. Et la nuit justement, elle a passé à récupérer et à remballer je ne sais quels décors quelque part dans ces salles de réception désertes de la couronne de Montréal.
Ce n'est qu'en revenant à l'entrepôt à l'aube et en ouvrant la radio qu'on a appris l'horrible nouvelle. Le mec avait dit ceci : " La dernière confirmation de la police faisait état de 14 femmes tuées à la Polytechnique hier soir...".
Je me souviens du silence qui a suivit. Je me souviendrai toujours aussi du regard de mon pote à l'écoute de ces mots.
J'avais sans doute le même.
On avait été coupés pendant les 12 dernières heures de toute information. La nuit avait été pour nous une bulle qui nous avait arraché de la réalité de notre civilisation. 14 femmes avaient été tuées par un dingue et nous n'en savions rien.
Je me souviens que nous cessions de répéter "14 femmes!" Et nous répétions ce chiffre et ce mot à voix haute comme pour nous le rentrer dans la tête parce que justement, ça n'entrait pas du tout.
Une effroyable réalité.
Je me souviens du choc ressenti par toute la société. Je me souviens surtout du malaise d'être un mâle pendant les semaines qui ont suivit. Quelque chose dans la société québécoise a basculé ce jour-là. Ceux qui étaient trop jeunes ou ceux qui n'étaient pas nés ne peuvent pas comprendre.
J'ai vu ce soir le film Polytechnique qui retrace la journée de ce drame.
Un excellent film tourné avec un grand respect pour les victimes.
À voir pour ceux justement qui étaient trop jeunes ou qui n'étaient pas nés.
Comme un devoir de mémoire.
Pour ma part, et bien que j'aime revoir les films que j'ai apprécié, celui-là restera désormais dans son boîtier.
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