lundi 1 février 2010

Civière de débordement

Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Je ne sais pas qui a dit ça, mais il avait drôlement raison le mec.

En ce moment, il y a une bibliothèque qui est sur le point de se consumer dans la famille. Un cerveau qui contient 95 ans de vie et de souvenirs qui s'éteint doucement dans un couloir d'hôpital. D'ailleurs, on ne dit plus "couloir" quand on laisse un personne âgée crever dans un couloir d'hôpital justement, on dit "civière de débordement". C'est plus acceptable quand c'est écrit sur un rapport.
Les Nazis employaient exactement le même type de jargon administratif pour rendre plus acceptables leurs horreurs.

Débordement:
A.− Action de déborder, résultat de cette action. Débordement d'un liquide, plus gén. débordement d'un fleuve, d'une rivière. Le débordement périodique du Nil (cf. Dupuis, Orig. cultes, 1796, p. 15).

1. MÉD. Évacuation abondante et subite d'un liquide organique. Débordement de bile, d'humeurs (Ac. 1798-1932). Débordement de larmes (cour.).
2. [Le compl. désigne des pers.] Irruption par surprise, et p. ext. irrésistible d'une multitude d'envahisseurs.

Bref, un vieux qui meurt, c'est un débordement, une évacuation abondante et subite d'un liquide organique. Les rires et le bonheur accumulés pendant toute une vie, les souvenirs, les joies, les peines, le prénom de la personnen prononcé par la voix de sa mère, son regard, ses craintes, ses espoirs, ses aspirations, tout ça ne serait devenu que du débordement matraqué par la morphine sur une civière sous prétexte qu'elle est vieille?
Un jour, il y a de ça près de 100 ans, il y avait pourtant une toute petite gamine dans cette vieille femme qui s'assèche aujourd'hui sur cette civière alors qu'on passe indifférent à côté d'elle.

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