vendredi 4 décembre 2009

Quelque chose de Munch

J'ai passé la nuit au chalet.
En arrivant, j'ai trouvé une souris dans le piège.
Une autre.
C'était la deuxième en deux semaines.
Je l'ai balancé dehors, près du grand cèdre.
Du coup, ça fait deux cadavres côte à côte.
J'attends qu'une plus grosse bête vienne les croquer.

J'ai ré-armé le piège après avoir remis une nouvelle miette de fromage.
Les souris de St-Zénon adorent le fromage bleu de Bresse.

Matin gris, crachin, une légère brume recouvrait le lac.
Je pensais me déclarer malade et prendre ma journée.
Mais un téléphone m'a fait changer d'idée.
Un collègue à qui on allait remettre une mesure disciplinaire pour un léger retard.
Dossier vierge depuis dix ans.
Employé modèle aimé de tous.
Une directrice nouvellement nommée qui veut montrer qu'elle a de gros bras.
Histoire classique.
Je suis descendu à Montréal et fait mon enquête.
Demain, je vais me payer cette connasse.
Pour plus de sûreté, j'apporterai avec moi mon fromage bleu de Bresse.
Et mon piège à rats.

J'en ai profité pour aller vérifier deux ou trois trucs dans une autre succursale.
Un directeur déjà suspendu pour des cas de harcèlement s'amuse à intimider son personnel féminin.
Un minable qui chie dans son froc et qui quitte les lieux quand il sait qu'un délégué mâle s'en vient lui donner de la merde.

Plus tard, un autre appel, un autre cas.
Celui d'un employé vivant d'énormes problèmes personnels.
N'est pas rentré travailler.
N'a pas avisé.
S'est fait donner une mesure disciplinaire pour la même raison la semaine dernière.
Cas inquiétant.
Non pas pour l'autre mesure disciplinaire qui s'en vient,
Mais bien pour la santé morale de l'employé.
J'ai appris des choses tristes sur lui.
Des choses difficiles à vivre.
Il ne retourne pas mes appels.
C'est inquiétant.

Je me suis arrêté au Mousse Café pour rédiger rapports et griefs.
Le crachin de St-Zénon était rendu à Montréal.
Même ciel gris
Même brume
Mais sans le lac.
J'ai écris un long courriel à une amie.
J'avais envie de la voir.
Me manque ces temps-ci.
Son rire surtout.
Je crois que c'est à cause du ciel gris

Je suis trop compliqué je crois.
Je me comprends.

Après mes rédactions de choses pas drôles,
Je suis aller voir une employée toute gentille
Mais en même temps trop honnête.
Et un zest un peu naïve.
Je lui ai expliqué qu'elle ne devait pas faire de zèle,
Surtout quand ce zèle peut pénaliser un collègue
Et faire plaisir à un directeur.

Suis aller voir aussi un autre employé pour un autre avis disciplinaire.
Glané des faits,
Noté des informations.
La rencontre avec le directeur est pour la semaine prochaine.
Ne pas oublier mon piège à rats.

Suis retourné au Mousse Café
Mettre au propre mes notes
Tout en attendant la partie de hockey.
Très content de voir mes deux serveuses préférées.

Il y avait le couple un peu âgé.
Nous nous sommes salués.
J'ai appris l'autre jour que le monsieur est d'origine bretonne.
Ses parents sont arrivés au Canada au début du siècle dernier.
Et s'installèrent au Manitoba
Ils se sont connus là-bas.
Et sont arrivés au Québec il y a plus de trente ans.
Ils sont très déçus du départ de Latendresse.
J'ai dit un peu comme eux, pour ne pas les décevoir.
Ils sont tellement gentils.

Ils manquait les autres.
Il n'y avait que de nouvelles têtes.
Sauf Négative qui ne vient plus souvent et qui s'est pointée un peu plus tard.
Prenant la table à côté de la mienne.
Négative est gentille mais un peu fucked up.
Se tape des relations fucked up.
Se tape une vie un peu fucked up.
Négative ne détesterait pas qu'on se voit tout nu.
En tout cas, depuis un an, ses approches n'ont rien de bien subtiles.
Mais Négative est un peu fucked up.
Et ça, c'est très dangereux.
Je préfère attraper des souris à St-Zénon.

Négative attire le malheur.
C'est le genre de fille comme ça.
Chaque fois qu'on se voit, elle me raconte un peu sa vie et chaque fois, il n'y a que des merdes qui lui tombent dessus.
Elle s'est même tapé la AH1N1.
C'est pour dire.

Un couple de vieux hippies dans la soixantaine est venu s'installer à côté de nous.
Des casses-couilles qui n'arrêtaient pas de commenter la partie à voix haute.
Lors d'un deux contre un mené par Lapierre alors que la marque est de 4 à 1 pour les Sabres, Lapierre décide de tirer au but.
Arrêt du gardien.
Le couple explose de rage : "Il aurait dû passer!"
Ils demandent mon avis.
Il a fait le bon jeu. C'est 4 à 1 pour Buffalo. Pas de chance à prendre. Tu vas au plus simple et le plus simple c'était de lancer. Tout le monde sait ça. En plus, l'autre (je crois que c'était Pyatt) était couvert. Ou en tout cas, la passe était trop risquée. Je leur dit tout ça mais en essayant de ménager leur susceptibilité.
Sont tatas mais ce n'est pas de leur faute.

Après la partie, je suis resté un moment avec Négative.
Elle me racontait toutes les choses noires qu'elle vivait en ce moment.
Cette soirée d'amoureux avec ce type qui devait passer chez elle mardi soir dernier.
Ne s'est pas pointé
N'a pas téléphoné
Elle a passé la soirée toute seule avec sa bouffe.
Et sans doute aussi quelques chandelles froides.
M'a demandé ce que j'en pensais.
Je lui ai parlé du fromage bleu de Bresse
Et des pièges à rats.

Quand elle a quitté, il me restait une demie coupe de vin blanc.
Je me suis approché du zinc et comme le cliché des vieux poivrots,
J'ai fait un brin de causette avec les serveuses.
Pendant qu'elles lavaient les couverts.
La brune se foutait gentiment de ma gueule à cause de ma discussion avec Négative.
"J'ai vu un rapprochement ce soir!"
La blonde riait.
C'est parce qu'elles me connaissent bien.
Et c'est aussi parce que je les connais bien que je riais aussi en les envoyant chier.
J'ai connu la blonde au boulot.
C'était une cliente.
Une sympathique cliente même.
Par un hasard incroyable, on s'est revu au Mousse Café.
Dans les rôles inversés.
C'est drôle parfois la vie.

En roulant vers la maison, Radio-Canada passait du réchauffé dans la radio ma voiture.
J'ai changé pour Ron à CKAC, question de sonder le vide profond des intervenants.
Des types parlaient d'échanger l'équipe au complet.
Les mêmes que la semaine dernière,
Qui disaient que c'était la meilleur édition du CH depuis les 10 dernières années.

Les pôles fondent plus vite que les pires prévisions préalablement envisagées selon les dernières études.
2 degrés de réchauffement est considéré comme l'extrême limite pour la survivance de l'espèce.
Pourtant, on parle de 5 degrés d'ici 100 ans si rien ne se fait.
Et la réalité, c'est que justement, rien ne se fait.
Crachin.
Brume.
Et l'immense vide à la radio.

En garant ma voiture, la pute de service qui faisait le coin ce soir m'a demandé l'heure.
Il était 22h59
Elle m'a demandé aussi ce que je pensais du fait qu'un mari laisse sa femme faire le trottoir.
Je lui ai parlé de fromage de Bresse.
De pièges à rats.
De la fonte des pôles.
Mais elle ne m'écoutait pas vraiment et m'a rajouté que pour sa part, c'était tout à fait inacceptable.
Elle a terminé cette brève discussion en pensant à voix haute.
Je l'ai en effet entendu dire : "Ce n'est pas parce que je suis une pute que je n'ai pas droit au respect"

Le temps de faire quelques pas pour me rendre à mon logement, voilà-ty pas je croise le mari en question.
Je le reconnais.
C'est le type de la Gaspésie qui a l'habitude de prendre sa bière sur les marches de mes escaliers extérieurs.
Le même qui vendait ses charmes à une clientèle mâle.
Il est mari, pimp et pute en même temps.
Et édenté.
Comme à chaque fois que je le vois, il se sent obligé de me faire la conversation.
Comme à chaque fois, et sachant qu'il sait précisément où j'habite de même qu'il connaît mes horaires, je m'arrange pour me montrer extrêmement gentil avec lui.
Il se met à me raconter son histoire avec sa femme.
Je fais semblant d'écouter tout en lui donnant l'impression que je suis furieusement intéressé par ce qu'il me raconte.
Il enchaîne ensuite en me racontant cette histoire un peu sordide où dans la ruelle juste à côté, à deux pas de chez moi, il a surpris un mec... (je m'arrête ici, pas envie d'écrire ces choses)

Je suis ensuite monté chez moi retrouver mon logement déprimant avec un cafard pas possible.
J'ai débouché une bière, ouvert cet ordi.
Et puis voilà, j'aurais peut-être dû me déclarer malade finalement.

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