mardi 22 décembre 2009

On oublie que le soleil va s'éteindre un jour quand on regarde patiner un joueur russe.

Avant le match

Je suis au Mousse-Café. Je reviens du chalet et je n'ai pas envie de rentrer tout de suite dans mon logement. De toute façon il y a un match ce soir et j'ai l'intention de le regarder. Et comme je n'ai pas de télé...
Kovalchuk ce soir.
J'adore ce joueur. C'est pas un pousseux d'puck celui-là. Je vais bien le regarder patiner, question d'oublier un peu que le soleil s'éteindra un jour.
Au fait, pourquoi les meilleurs joueurs sont-ils toujours russes?

Je ne sais trop pourquoi je suis redescendu à Montréal ce soir. J'aurais dû m'écouter et ne partir que demain matin. D'autant plus que j'étais en train de préparer ma patinoire sur le lac pas encore tout à fait gelé. Dans une semaine ou moins, je pourrai y patiner dessus avec des images russes dans ma tête. Je vais faire comme Kovi et inonder la surface de rondelles toutes noires que je vais m'amuser à contourner comme un vrai russe que je ne suis pas encore tout à fait. Mais je sens que ça s'en vient.
Pourquoi ne suis-je pas resté là-bas disais-je?
Poussé par une sorte de culpabilité inexplicable, je me suis senti obligé de bouger, de sortir de ma tanière de neige et de glace lanaudoise pour me confronter à la ville et à sa grise neige. Ce qui est complètement idiot puisque je n'avais rien de prévu ici. Et puis socialement parlant, je suis rendu aussi intense qu'une ombre qui passe et qu'on ne voit pas. Moi qui ne pouvait respirer normalement sans avoir au moins dix personnes autour de moi à une certaine époque, voilà que je crains les regroupements de plus de deux humains.

- Est-ce grave docteur?
- Bof... j'imagine que non. Mais pour en être bien certain, il faudrait vous dévêtir pour que je puisse vous passer un doigt dans l'cul. Bien profond, cela va de soi.

Je dois me rendre à l'évidence. Je n'aime pas mon logement et je fais tout ce que je peux pour ne pas y être. Ce qui est complètement imbécile quand on y pense puisque je paie pour l'habiter et que justement, je ne l'habite pas.

- Est-ce vraiment grave docteur?
- Penchez-vous bien comme il faut et retenez votre respiration. Ça sera vite fait.

Et puis ces odeurs de friture et de cuisson qui proviennent des autres logements...
Et puis ce quartier de merde...
Et puis ce bordel pas possible dans chacune de mes pièces...

- Humpf!...
- Il fallait retenir votre respiration!


Après le match

Kovalchuk fut un peu nul finalement ce soir. Dans son cas, être nul signifie être juste un peu au-dessus de la moyenne. À cause de son jeu ordinaire, j'ai pas tout à fait oublié que le soleil allait s'éteindre un jour. Afinogenov - un autre Russe - lui fut de loin supérieur avec des attaques particulièrement épicées. Mais le grand héros fut Halak qui a reçu 376,987 shots. Pas de farce, il doit sentir le caoutchouc ce soir. Et puis aussi Plekanec qui mine de rien, et malgré son nom imprononçable, vient de grimper dans le groupe des 10 meilleurs marqueurs du circuit avec ses 4 points ce soir. Avec une équipe de pousseux d'puck comme voilà-t-y pas le Canadiens cette année, c'est un véritable exploit.

Il n'y avait pas beaucoup de monde pour le hockey ce soir au Mousse. Sans doute qu'ils pensaient tous que j'allais rester au chalet et qu'ils se sont dit que ça ne valait pas la peine d'assister à une partie de hockey quand je n'y suis pas. Après tout, c'est moi qui suis le plus rapide du monde pour lancer des "Ho!" et des "Ha!" une fraction de seconde avant que le reste du peuple ne lance ses propres "Ho!" et "Ha!". J'ai en effet un sens inné de l'anticipation-spectateur mais hélas, cela ne m'a jamais aidé à payer mon loyer.
J'ai pris place tout près de ce couple de retraités sympa dont j'ai parlé à quelques occasions dans les dernières pages. J'ai surtout échangé avec la dame qui écoute d'avantage le match que son mari parce qu'il passe la majorité du temps à rédiger ses textes pour son association (que je ne nommerai pas pour ne pas l'identifier.) Tout comme moi, la dame préfère de loin Halak à Price. Preuve qu'elle s'y connaît dans la psychologie très complexe des gardiens de but. Le problème c'est que les dirigeants du CH ne pensent pas comme la dame et moi et qu'ils vont se défaire de Halak avant la fin de la présente saison sans même nous demander notre avis.

- Ne me dites-pas que vous échangeriez Price!!
- Tout à fait. Ce type là est un technicien incroyable mais entre les deux oreilles, ça ne marche pas. Il n'est pas fait pour être le numéro 1 et se taper la plus grosse part des parties. Attendons le dernier jour des transactions et allons vider un club en l'échangeant.
- Vous êtes sérieux?
- Tout à fait.
- Alors là, penchez-vous très sérieusement vers l'avant et prenez la plus grande respiration possible. Ça va faire mal!
- Aaarghh!....

L'un des hauts-faits de la soirée fut que je me suis pris une assiette jambon-beurre que XYZ m'a préparé avec ses petits doigts. Comme d'habitude, j'ai commencé par la salade, puis je me suis attaqué au sandwich avant de terminer par les chips.
Ça été un grand moment.

L'autre fait marquant s'est déroulé pendant que nous fumions une clope à l'extérieur XYZ et moi. Un vent glacial nous fouettait le visage et pendant un court instant, elle s'est protégée de la bise du nord en se collant contre mon épaule. Preuve que je deviens vieux et un brin engourdie, j'ai juste trouvé ça cocasse vu qu'elle a quelque chose comme deux ou trois siècles de moins que moi. Avoir eu 300 ans de moins, c'est sûr, je lui passais le bras autour des épaules. C'est comme ça que je faisais dans le temps où les serveuses se servaient de mon épaule pour se cacher du froid.
- Tu t'en vas déjà? qu'elle m'a dit au moment où je suis allé payer.
Finalement, à bien y penser, en plus de devenir engourdie je deviens peut-être aussi un peu trop con.

Dans la bagnole, j'ai pris mes messages que j'avais raté pendant la partie. Il y avait celui de ce bon mec qui travaille dans une succursale de l'ouest de la ville et que j'ai connu grâce à mon boulot de délégué. Dans la trentaine, il a fait pendant quelques années des tournois de combats extrêmes. Le genre de type qui adore les grèves et qui vote systématiquement contre toutes les propositions d'ententes lors des négos pour espérer pouvoir se battre avec les agents de sécurités sur les lignes de piquetage. Comme tout les durs à cuir, c'est un mec au cœur d'or. Généreux et sensible. Tellement qu'il m'invitait ce soir à le suivre avec sa bande pour une tournée des bars de danseuses.
- Ouais, on va aux totons à soir. Ça serait cool si tu venais avec nous.
J'ai jamais été un grand fan de ce genre d'endroit. La dernière fois que j'ai mis les pieds dans un club de ce genre ça doit bien faire quelque chose comme 15 ans. En fait, c'était en 1993 et si je m'en souviens, c'est que c'était après la victoire des Canadiens contre les Nordiques lors des séries qui allaient leur donner la coupe. J'avais regardé le match chez un copain et à la fin de la soirée, il ne nous restait plus de bière. À côté de chez-lui, il y avait un bar de danseuses et forcément, on y vendait de la bière. Je me souviens que j'étais très gêné parce qu'on avait plus de fric et qu'on avait payé nos bières avec de la petite monnaie. Avec toutes ces belles filles toutes nues autour de nous, ça ne faisait pas très winner.
Un autre message provenait d'une nouvelle employée qui vient d'être embauchée. Je dois la rappeler demain parce que, disait-elle, elle devait me parler de quelque chose qui lui est arrivé.

Après la partie, je suis revenu à mon logement parce que c'est le seul endroit où je peux dormir à Montréal. Dans la boîte aux lettres, j'ai trouvé une lettre, ce qui est un peu normal quand on y pense bien comme il faut. C'était une carte de Noël envoyée par les Parenteau de St-Zénon, ceux qui déneigent mon entrée pendant l'hiver. Je me suis marré en pensant que la seule carte de Noël que je vais sans doute recevoir provient de la petite entreprise familiale de déneigement que je paie pour me donner accès à mon chalet.
Il y avait un petit mot à l'intérieur. "Merci de votre confiance. Joyeux Noël et bonne année." Et c'était signé "Les Parenteau". Il est à noter que la confiance dont il est fait mention dans leur carte est un tantinet surfaite puisqu'ils sont les seuls à faire ce boulot dans la région. En fait, si tu veux avoir le plaisir d'aller à ton chalet l'hiver, t'as pas le choix de faire affaire avec les Parenteau. Mais bon, c'est gentil quand même.

J'écris ces lignes en écoutant Alain Bashung qui a eu la mauvaise idée de mourir cette année en nous laissant un peu plus seuls. Ce qui me fait penser que cet après-midi, en roulant vers Montréal, j'écoutais Radio-Canada et l'invitée était une certaine Marie-Mai dont je devine qu'elle fut l'une des pétasses à organe vocale appartenant à l'écurie d'insipidités dirigée par PKP et sa pouffe hystérique. Elle disait combien elle était fière d'écrire toutes ses chansons. Ils en ont fait jouer quelques unes justement... misère!

En ouvrant mon ordi, j'ai trouvé un message d'un bon ami à moi dont je n'avais plus de nouvelles depuis quelques temps. Un pote que j'ai connu du temps où nous sondions l'opinion du peuple sur des questions aussi importantes que celle, par exemple, concernant la douceur du papier cul à la mode. Le genre d'étude qui contribuait à bouleverser certaines certitudes existentielles les plus fondamentales de notre époque.
Je sais qu'il vient sur ces pages lire mes petites conneries. J'aimerais en profiter pour lui dire que je suis honoré de l'avoir comme ami.

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