J'ai lâchement abandonné ma vieille Tercel toute pourrie que j'aimais tant.
Pour la première fois depuis des siècles, elle dort ce soir ailleurs qu'à mes pieds.
Ma bonne vieille Tercel toute pourrie à moi!
Il le fallait parce que la pauvre coulait de partout. Huile, essence, jus de roues et liquide mystérieux, tout coulait. Et puis des morceaux de taule aussi qui s'envolait sur l'autoroute.
Mais elle ne voulait pas s'éteindre et pour peu que je le lui demandais gentiment, elle se mettait à rouler et allait là où je voulais.
Elle étouffait même pas. Elle démarrait toujours comme au premier jour malgré ses 245000 km bien comptés dont la moitié furent parcourus dans des chemins de garnottes à la recherche de quelques lacs perdus.
Ma bonne vieille Tercel toute pourrie à moi!
Elle n'était jamais aussi heureuse que lorsque je lui glissais mon Zodiac sur le dos et que nous partions tous les deux à la pêche.
- On va où aujourd'hui?
- J'sais pas. Lac Bouteille ou lac Légaré.
- Et si on allait encore plus loin?
- Où?
- Genre lac Kempt?
- Oh mais t'es certaine que tu pourrais encore?
- Monte et tu vas voir si je suis capable!
- Brave vieille Tercel toute pourrie à moi! Allons-y!
La nouvelle Tercel pas pourrie du tout m'attendait dans le stationnement du concessionnaire Toyota près de chez-vous. Elle avait hâte de connaître son nouveau propriétaire. "Vous venez monsieur?" Moi pendant ce temps-là, j'étais devant ma vieille Tercel toute pourrie qui pleurait. Je n'avais pas de mots pour la consoler.
- Vas-y! Cours vers cette jeune salope qui t'attend et laisse moi crever ici comme une chienne!
- Ma pauvre toute pourrie! Je suis désolé. Je ne voulais pas que ça se termine comme ça entre nous.
- Vieux dégueulasse qui se pâme sur une jeune!
- Ne parle pas comme ça, tu sais bien que c'est toi que j'aime!
Derrière nous, les mécaniciens attendaient avec leurs outils. La grande porte du garage venait de s'ouvrir et d'autres employés préparaient le treuil hydraulique sur lequel l'on procéderait sous peu à l'euthanasie non sans lui extirper les organes encore bons qu'ils transplanteront sur une autre Tercel de sa génération.
- Ne me laisse pas! Je t'en supplie! Ne me laisse pas!
Je lui caressais le pare-choc avec une tendresse infinie.
- Allons, courage. Tu sais bien que c'est impossible.
Des images de nos bonheurs partagés me revenaient. Un entre autres et qui se déclamait avec des yeux tout ronds et des pieds nus sur le tableau de bord. Les Beatles dans le vieux lecteur de cassettes, un jour d'avril plein de soleil, le vent qui entrait et qui fouettait nos cheveux comme des étendards de liberté, une course aux fromages qui s'est terminée autour d'un feu de camp le soir et une lecture du Devoir faite à voix haute le lendemain sur la pelouse au petit déjeuner.
- Tu te souviens?
- Toute pourrie, c'est certain que je me souviens. Je ne pourrai jamais oublier ça.
- Si tu la revois, tu lui diras que j'ai adoré ses pieds nus sur mon tableau de bord.
- Et moi sur mes lèvres.
Une voix se fit entendre : "Vous venez monsieur? J'ai hâte de vous montrer ce dont je suis capable"
- Tu l'entends cette salope!
- Toute pourrie, je suis désolé. Sois forte.
Au même moment, les mécaniciens se sont amenés.
- Bon, ça suffit dit le plus gros d'entre eux. C'est pas qu'on soit des êtres insensibles et rustres malgré notre métier de manuels aux mains pleines de cambouis mais c'est qu'on a un boulot à faire.
La voix de ma Tercel toute pourrie se fit déchirante.
- Ne me laisse paaaaaaaaaas!
Le gros mécanicien nous a séparé mais ça lui a tout prit. Ma vieille Tercel toute pourrie s'accrochait à moi, à mon manteau, à mes bras, à mes cheveux. Un autre, plus impatient et surtout plus brutal lui a filé un coup de clé à molette sur le capot pour qu'elle lâche prise. J'ai hurlé!
- Mais ça ne va pas espèce de salaud!
Je l'ai fait valser avec une droite solidement appliqué sur le nez. Il s'est couché net. J'ai remis ça au gros qui s'est retrouvé à son tour allongé de tout son long. Et je ne sais pas pourquoi, mais j'ai sauté dans ma vieille Tercel toute pourrie et nous avons décampé sur des chapeaux de roues. La nouvelle Tercel pas pourrie du tout, et allez savoir pourquoi, nous a suivit. Nous avons roulé comme ça jusqu'à l'un de nos lacs perdus à 345698 km de là, quelque part dans la forêt très loin au nord de nulle part et juste à gauche de plus rien. C'est là que ma vieille Tercel toute pourrie voulait terminer son cycle de pourrissement.
- Laisse- moi maintenant.
Mais il faisait nuit noir et j'ai été me coucher au pied d'un grand sapin en bois (piqué ça à Renaud... désolé). Le lendemain matin, ma vieille Tercel toute pourrie avait disparue. J'ai monté dans la nouvelle Tercel pas pourrie du tout et je suis parti.
Je pleurais.
Mais en chemin, voilà-ty pas que j'entends les Beatles dans le lecteur de cassettes.
- Mais!... mais!...
- Eh oui, c'est moi! J'ai profité de ton sommeil pour crever cette salope et m'emparer de son enveloppe de taule. Je me suis auto transmutée en elle, comme on dit.
On a été fêter ça au chic bar de danseuses Les Amazones de de la Haute Mattawini. On a fait danser tout pleins de filles à nos tables et même que ma vieille-nouvelle Tercel toute pourrie qui ne l'est plus s'est payée une nuit avec celle qui avait les plus gros totons. Demain soir, on se paie une bouffe de luxe chez Toqué et la semaine prochaine, on ira faire une croisière d'amoureux sur un bateau Mouche du vieux port en vomissant partout entre les tables. Après on ira au casino. Là, je dois vous laisser parce que ma nouvelle vieille Tercel toute pourrie qui ne l'est plus vient de mettre la table. Ça sent bon. Les chandelles sont allumées. Une nouvelle vie commence.
Pour la première fois depuis des siècles, elle dort ce soir ailleurs qu'à mes pieds.
Ma bonne vieille Tercel toute pourrie à moi!
Il le fallait parce que la pauvre coulait de partout. Huile, essence, jus de roues et liquide mystérieux, tout coulait. Et puis des morceaux de taule aussi qui s'envolait sur l'autoroute.
Mais elle ne voulait pas s'éteindre et pour peu que je le lui demandais gentiment, elle se mettait à rouler et allait là où je voulais.
Elle étouffait même pas. Elle démarrait toujours comme au premier jour malgré ses 245000 km bien comptés dont la moitié furent parcourus dans des chemins de garnottes à la recherche de quelques lacs perdus.
Ma bonne vieille Tercel toute pourrie à moi!
Elle n'était jamais aussi heureuse que lorsque je lui glissais mon Zodiac sur le dos et que nous partions tous les deux à la pêche.
- On va où aujourd'hui?
- J'sais pas. Lac Bouteille ou lac Légaré.
- Et si on allait encore plus loin?
- Où?
- Genre lac Kempt?
- Oh mais t'es certaine que tu pourrais encore?
- Monte et tu vas voir si je suis capable!
- Brave vieille Tercel toute pourrie à moi! Allons-y!
La nouvelle Tercel pas pourrie du tout m'attendait dans le stationnement du concessionnaire Toyota près de chez-vous. Elle avait hâte de connaître son nouveau propriétaire. "Vous venez monsieur?" Moi pendant ce temps-là, j'étais devant ma vieille Tercel toute pourrie qui pleurait. Je n'avais pas de mots pour la consoler.
- Vas-y! Cours vers cette jeune salope qui t'attend et laisse moi crever ici comme une chienne!
- Ma pauvre toute pourrie! Je suis désolé. Je ne voulais pas que ça se termine comme ça entre nous.
- Vieux dégueulasse qui se pâme sur une jeune!
- Ne parle pas comme ça, tu sais bien que c'est toi que j'aime!
Derrière nous, les mécaniciens attendaient avec leurs outils. La grande porte du garage venait de s'ouvrir et d'autres employés préparaient le treuil hydraulique sur lequel l'on procéderait sous peu à l'euthanasie non sans lui extirper les organes encore bons qu'ils transplanteront sur une autre Tercel de sa génération.
- Ne me laisse pas! Je t'en supplie! Ne me laisse pas!
Je lui caressais le pare-choc avec une tendresse infinie.
- Allons, courage. Tu sais bien que c'est impossible.
Des images de nos bonheurs partagés me revenaient. Un entre autres et qui se déclamait avec des yeux tout ronds et des pieds nus sur le tableau de bord. Les Beatles dans le vieux lecteur de cassettes, un jour d'avril plein de soleil, le vent qui entrait et qui fouettait nos cheveux comme des étendards de liberté, une course aux fromages qui s'est terminée autour d'un feu de camp le soir et une lecture du Devoir faite à voix haute le lendemain sur la pelouse au petit déjeuner.
- Tu te souviens?
- Toute pourrie, c'est certain que je me souviens. Je ne pourrai jamais oublier ça.
- Si tu la revois, tu lui diras que j'ai adoré ses pieds nus sur mon tableau de bord.
- Et moi sur mes lèvres.
Une voix se fit entendre : "Vous venez monsieur? J'ai hâte de vous montrer ce dont je suis capable"
- Tu l'entends cette salope!
- Toute pourrie, je suis désolé. Sois forte.
Au même moment, les mécaniciens se sont amenés.
- Bon, ça suffit dit le plus gros d'entre eux. C'est pas qu'on soit des êtres insensibles et rustres malgré notre métier de manuels aux mains pleines de cambouis mais c'est qu'on a un boulot à faire.
La voix de ma Tercel toute pourrie se fit déchirante.
- Ne me laisse paaaaaaaaaas!
Le gros mécanicien nous a séparé mais ça lui a tout prit. Ma vieille Tercel toute pourrie s'accrochait à moi, à mon manteau, à mes bras, à mes cheveux. Un autre, plus impatient et surtout plus brutal lui a filé un coup de clé à molette sur le capot pour qu'elle lâche prise. J'ai hurlé!
- Mais ça ne va pas espèce de salaud!
Je l'ai fait valser avec une droite solidement appliqué sur le nez. Il s'est couché net. J'ai remis ça au gros qui s'est retrouvé à son tour allongé de tout son long. Et je ne sais pas pourquoi, mais j'ai sauté dans ma vieille Tercel toute pourrie et nous avons décampé sur des chapeaux de roues. La nouvelle Tercel pas pourrie du tout, et allez savoir pourquoi, nous a suivit. Nous avons roulé comme ça jusqu'à l'un de nos lacs perdus à 345698 km de là, quelque part dans la forêt très loin au nord de nulle part et juste à gauche de plus rien. C'est là que ma vieille Tercel toute pourrie voulait terminer son cycle de pourrissement.
- Laisse- moi maintenant.
Mais il faisait nuit noir et j'ai été me coucher au pied d'un grand sapin en bois (piqué ça à Renaud... désolé). Le lendemain matin, ma vieille Tercel toute pourrie avait disparue. J'ai monté dans la nouvelle Tercel pas pourrie du tout et je suis parti.
Je pleurais.
Mais en chemin, voilà-ty pas que j'entends les Beatles dans le lecteur de cassettes.
- Mais!... mais!...
- Eh oui, c'est moi! J'ai profité de ton sommeil pour crever cette salope et m'emparer de son enveloppe de taule. Je me suis auto transmutée en elle, comme on dit.
On a été fêter ça au chic bar de danseuses Les Amazones de de la Haute Mattawini. On a fait danser tout pleins de filles à nos tables et même que ma vieille-nouvelle Tercel toute pourrie qui ne l'est plus s'est payée une nuit avec celle qui avait les plus gros totons. Demain soir, on se paie une bouffe de luxe chez Toqué et la semaine prochaine, on ira faire une croisière d'amoureux sur un bateau Mouche du vieux port en vomissant partout entre les tables. Après on ira au casino. Là, je dois vous laisser parce que ma nouvelle vieille Tercel toute pourrie qui ne l'est plus vient de mettre la table. Ça sent bon. Les chandelles sont allumées. Une nouvelle vie commence.
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