Dans une autre vie, j'ai travaillé au Parti-Québécois ainsi qu'au Bloc Québécois. Au PQ, j'ai travaillé sous Pierre-Marc Johnson, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et un peu sous Bernard Landry. Au Bloc, j'ai travaillé pour Lucien Bouchard et bien sûr, Gilles Duceppe. Je m'occupais surtout du département des éditions et des expéditions pendant les campagnes électorales et référendaires. Le deux parties se confondaient, ayant tous les deux leur permanence dans la même bâtisse sur la rue Papineau. Le PQ au premier et le Bloc au quatrième si je me souviens bien.
Entre nous, quand nous parlions de Pierre-Marc Johnson, nous disions "Johnson" comme dans : "Ce sont les affiches électorales qui sont destinées au comté de Johnson".
Quand nous parlions de Lucien Bouchard, nous disions "Bouchard".
Quand nous parlions de Gilles Duceppe, nous disions "Duceppe".
Quand nous parlions de Bernard Landry, nous disions "Landry".
Quand certains plus anciens parlaient du temps de René Lévesque, ils disaient "Lévesque" ou encore, plus affectueusement "Ti-poil".
Mais quand nous parlions de Jacques Parizeau, nous disions tous "Monsieur Parizeau". Comme dans : " Ce sont les affiches électorales qui sont destinées au comté de Monsieur Parizeau."
Même les quelques anti-Parizeau disaient "Monsieur Parizeau".
Ce n'était même pas forcé. C'était juste naturel. Le mec en imposait tellement que même quand tu te retrouvais seul dans les chiottes, tu te surprenais à penser que " il ne faut pas que j'oublie les tabarnak d'affiches de Monsieur Parizeau".
Monsieur Parizeau, c'était Monsieur Parizeau.
Quand tu croisais Monsieur Parizeau dans les escaliers, ton cerveau s'activait aussitôt et te disait : "C'est Monsieur Parizeau! Cesse de respirer misérable vermisseau que tu es et laisse à Monsieur Parizeau l'oxygène dont il a besoin!"
Au reste, c'était parfaitement idiot parce que Monsieur Parizeau justement, était tout sauf hautain ou arrogant. Au contraire, il était généreux de sa personne, affable, immensément sympathique et facile d'approche. Là où ça coinçait pour les pauvres mortels comme moi, c'était dans son éducation de bourgeois de la vieille école qui faisait un énorme décalage entre lui et tout ceux qui respirait autour de lui. Ça en imposait mais ce n'était pas voulu. Il était comme ça, c'est tout.
Un jour, j'ai croisé Monsieur Parizeau dans les chiottes de la Place Ville-Marie, là où sont situés les bureaux du chef de l'opposition à Montréal. Je sortais, il entrait. J'ai poussé la porte un peu fort et j'ai tapé le front de Monsieur Parizeau avec le coin de la porte.
- Bang!
Quand j'ai vu que je venais de blesser Monsieur Parizeau, j'ai senti mes genoux ramollir et mon cœur cessé de battre. J'étais pétrifié, comme si je venais d'écraser le Dalaï Lama avec ma Terce. Je me voyais déjà obligé de changer de nom et de refaire ma vie loin de Montréal, quelque part dans une des îles perdues du Pacifique. J'hésitais déjà entre Amapala ou Ulithi en me demandant comment j'allais m'y prendre pour regarder mes parties de hockey du samedi soir.
Et vous savez ce qu'il m'a dit en se frottant le front?
Il a d'abord rigolé : - Oh!!
Puis il a rajouté cette phrase remarquable sans se départir de son sourire: - Je suis désolé.
Je venais de lui fracasser le crane à coup de porte de toilette et lui il me dit "Je suis désolé"!!!!
Monsieur Parizeau, c'était ça.
Au bureau du chef de l'opposition, j'ai eu à quelques occasions l'extrême honneur de travailler à son bureau personnel. Je veux dire sur son bureau! Moi derrière son bureau, le cul sur sa son fauteuil personnel, prenant son téléphone personnel pour faire mon travail. Je travaillais sur l'équipe de sondage interne du PQ et nous arrivions à 17h pour faire nos études. Nous prenions les bureaux des employés qui quittaient et nous passions le reste de la soirée à sonder l'opinion public sur les sujets de l'heure. Nous avions le droit de prendre tous les bureaux, même celui de Monsieur Parizeau parce que ce dernier insistait et ne voulait en rien avoir des traitements de faveur. Il m'est donc arrivé plus d'une fois de faire mes sondages sur son grand bureau personnel et devoir arrêter brusquement de respirer parce que Monsieur Parizeau revenait subitement dans son bureau pour mettre la main sur un dossier ou un papier qu'il avait oublié. J'ai donc déjà vécu plusieurs fois ces moments surréalistes où j'étais en grande conversation avec madame Tartenpion du Lac St-Jean ou de monsieur Truc-Muche de Saint-Creux-Creux-Des-Meuh-Meuh pendant que Monsieur Parizeau était agenouillé à mes côtés en train de chercher je ne sais quel papier dans le dernier tiroir en bas à gauche. Et chaque fois, il prenait la peine de me chuchoter en rigolant : " Oh! Oh! Ne faites pas attention à moi." Et tout ça, dans un bureau tapissé de toiles du groupe des sept, de Riopelle et de Marc-Aurèle Fortin.
- Ma mère! J'ai déjà vécu ça!!!
Quand J'y repense aujourd'hui, je n'en reviens tout simplement pas.
Même aujourd'hui, quand je parle de ce bonhomme dans une de ces discussions de taverne qui ne règleront jamais la cause, je me surprends encore à dire "Monsieur Parizeau".
Depuis toujours, autour de moi, il m'arrive souvent d'entendre des gens dirent "Monsieur Parizeau". Que ce soit dans une discussion dans un autobus ou dans un restaurant.
Tout ça pour dire que j'étais dans une librairie aujourd'hui et je farfouillais dans la section des nouveautés. Une jeune femme - pas plus de 30 ans - est arrivée et a abordé un commis. Je l'ai entendu lui demander ceci : " Je cherche le livre de Monsieur Parizeau". Et le commis, guère plus de 25 ans - lui a répondu ceci : " Nous avons un étalage du livre de Monsieur Parizeau devant les caisses".
La femme n'avait pourtant que 15 ans lors du dernier référendum, c'est à dire au moment où Monsieur Parizeau prit sa retraite de la vie politique active.
Le commis lui n'en avait que 10.
Mais les deux se parlaient de lui en disant "Monsieur".
Monsieur Parizeau aura 80 ans bientôt. Comme il le dit et le répète lui-même depuis quelques jours lors de ses entrevues qu'il donne en rafale pour mousser les ventes de son bouquin, il est sur son départ.
Bientôt, l'immense personnage ne sera plus. Ce livre est en quelque sorte son testament politique. Une dernière charge en avant vers ce but ultime qui aura monopolisé la deuxième moitié de sa carrière politique. Un but qu'il ne verra sans doute jamais de son vivant.
Hélas.
Cet homme était un bloc d'intégrité. Il avait dit: "Je suis en politique pour faire l'Indépendance du Québec. J'ai échoué. Donc je prends ma retraite".
Grandiose jusqu'au bout.
Honnête.
Un politicien avec une vision et un but. C'est la dernière fois que j'ai vu ça.
http://www.youtube.com/watch?v=66ot9GlADgU&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=Q2_IrhQXrIU
Entre nous, quand nous parlions de Pierre-Marc Johnson, nous disions "Johnson" comme dans : "Ce sont les affiches électorales qui sont destinées au comté de Johnson".
Quand nous parlions de Lucien Bouchard, nous disions "Bouchard".
Quand nous parlions de Gilles Duceppe, nous disions "Duceppe".
Quand nous parlions de Bernard Landry, nous disions "Landry".
Quand certains plus anciens parlaient du temps de René Lévesque, ils disaient "Lévesque" ou encore, plus affectueusement "Ti-poil".
Mais quand nous parlions de Jacques Parizeau, nous disions tous "Monsieur Parizeau". Comme dans : " Ce sont les affiches électorales qui sont destinées au comté de Monsieur Parizeau."
Même les quelques anti-Parizeau disaient "Monsieur Parizeau".
Ce n'était même pas forcé. C'était juste naturel. Le mec en imposait tellement que même quand tu te retrouvais seul dans les chiottes, tu te surprenais à penser que " il ne faut pas que j'oublie les tabarnak d'affiches de Monsieur Parizeau".
Monsieur Parizeau, c'était Monsieur Parizeau.
Quand tu croisais Monsieur Parizeau dans les escaliers, ton cerveau s'activait aussitôt et te disait : "C'est Monsieur Parizeau! Cesse de respirer misérable vermisseau que tu es et laisse à Monsieur Parizeau l'oxygène dont il a besoin!"
Au reste, c'était parfaitement idiot parce que Monsieur Parizeau justement, était tout sauf hautain ou arrogant. Au contraire, il était généreux de sa personne, affable, immensément sympathique et facile d'approche. Là où ça coinçait pour les pauvres mortels comme moi, c'était dans son éducation de bourgeois de la vieille école qui faisait un énorme décalage entre lui et tout ceux qui respirait autour de lui. Ça en imposait mais ce n'était pas voulu. Il était comme ça, c'est tout.
Un jour, j'ai croisé Monsieur Parizeau dans les chiottes de la Place Ville-Marie, là où sont situés les bureaux du chef de l'opposition à Montréal. Je sortais, il entrait. J'ai poussé la porte un peu fort et j'ai tapé le front de Monsieur Parizeau avec le coin de la porte.
- Bang!
Quand j'ai vu que je venais de blesser Monsieur Parizeau, j'ai senti mes genoux ramollir et mon cœur cessé de battre. J'étais pétrifié, comme si je venais d'écraser le Dalaï Lama avec ma Terce. Je me voyais déjà obligé de changer de nom et de refaire ma vie loin de Montréal, quelque part dans une des îles perdues du Pacifique. J'hésitais déjà entre Amapala ou Ulithi en me demandant comment j'allais m'y prendre pour regarder mes parties de hockey du samedi soir.
Et vous savez ce qu'il m'a dit en se frottant le front?
Il a d'abord rigolé : - Oh!!
Puis il a rajouté cette phrase remarquable sans se départir de son sourire: - Je suis désolé.
Je venais de lui fracasser le crane à coup de porte de toilette et lui il me dit "Je suis désolé"!!!!
Monsieur Parizeau, c'était ça.
Au bureau du chef de l'opposition, j'ai eu à quelques occasions l'extrême honneur de travailler à son bureau personnel. Je veux dire sur son bureau! Moi derrière son bureau, le cul sur sa son fauteuil personnel, prenant son téléphone personnel pour faire mon travail. Je travaillais sur l'équipe de sondage interne du PQ et nous arrivions à 17h pour faire nos études. Nous prenions les bureaux des employés qui quittaient et nous passions le reste de la soirée à sonder l'opinion public sur les sujets de l'heure. Nous avions le droit de prendre tous les bureaux, même celui de Monsieur Parizeau parce que ce dernier insistait et ne voulait en rien avoir des traitements de faveur. Il m'est donc arrivé plus d'une fois de faire mes sondages sur son grand bureau personnel et devoir arrêter brusquement de respirer parce que Monsieur Parizeau revenait subitement dans son bureau pour mettre la main sur un dossier ou un papier qu'il avait oublié. J'ai donc déjà vécu plusieurs fois ces moments surréalistes où j'étais en grande conversation avec madame Tartenpion du Lac St-Jean ou de monsieur Truc-Muche de Saint-Creux-Creux-Des-Meuh-Meuh pendant que Monsieur Parizeau était agenouillé à mes côtés en train de chercher je ne sais quel papier dans le dernier tiroir en bas à gauche. Et chaque fois, il prenait la peine de me chuchoter en rigolant : " Oh! Oh! Ne faites pas attention à moi." Et tout ça, dans un bureau tapissé de toiles du groupe des sept, de Riopelle et de Marc-Aurèle Fortin.
- Ma mère! J'ai déjà vécu ça!!!
Quand J'y repense aujourd'hui, je n'en reviens tout simplement pas.
Même aujourd'hui, quand je parle de ce bonhomme dans une de ces discussions de taverne qui ne règleront jamais la cause, je me surprends encore à dire "Monsieur Parizeau".
Depuis toujours, autour de moi, il m'arrive souvent d'entendre des gens dirent "Monsieur Parizeau". Que ce soit dans une discussion dans un autobus ou dans un restaurant.
Tout ça pour dire que j'étais dans une librairie aujourd'hui et je farfouillais dans la section des nouveautés. Une jeune femme - pas plus de 30 ans - est arrivée et a abordé un commis. Je l'ai entendu lui demander ceci : " Je cherche le livre de Monsieur Parizeau". Et le commis, guère plus de 25 ans - lui a répondu ceci : " Nous avons un étalage du livre de Monsieur Parizeau devant les caisses".
La femme n'avait pourtant que 15 ans lors du dernier référendum, c'est à dire au moment où Monsieur Parizeau prit sa retraite de la vie politique active.
Le commis lui n'en avait que 10.
Mais les deux se parlaient de lui en disant "Monsieur".
Monsieur Parizeau aura 80 ans bientôt. Comme il le dit et le répète lui-même depuis quelques jours lors de ses entrevues qu'il donne en rafale pour mousser les ventes de son bouquin, il est sur son départ.
Bientôt, l'immense personnage ne sera plus. Ce livre est en quelque sorte son testament politique. Une dernière charge en avant vers ce but ultime qui aura monopolisé la deuxième moitié de sa carrière politique. Un but qu'il ne verra sans doute jamais de son vivant.
Hélas.
Cet homme était un bloc d'intégrité. Il avait dit: "Je suis en politique pour faire l'Indépendance du Québec. J'ai échoué. Donc je prends ma retraite".
Grandiose jusqu'au bout.
Honnête.
Un politicien avec une vision et un but. C'est la dernière fois que j'ai vu ça.
http://www.youtube.com/watch?v=66ot9GlADgU&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=Q2_IrhQXrIU
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