dimanche 15 mars 2009

Quand il m'arrive de penser tout haut devant mon ordi le matin.

Matin, je me lève.
Il est tôt.
Je vais travailler.
L'eau de mon bain coule pendant que la cafetière travaille très fort pour me fabriquer le liquide chaud dont j'ai tant besoin.
C'est une gentille cafetière expresso qui me donne du café à peu près comme je l'aime. L'un des rares vestiges qui me reste d'une énième union qui s'est soldée par un échec.
Toutes ces femmes passées dans ma vie et pourtant, tellement de matins silencieux depuis des mois.
Je ne sais pas pourquoi je pense à ça, là, maintenant.
Sans doute à cause de la cafetière. Elle me relance des images un peu floues d'un certain bonheur partagé à deux. D'autres mains que les miennes ont touchées cet objet. Des mains douces qui se perdaient parfois dans mes cheveux. Pas souvent, mais ça arrivait. Ces mêmes mains qui remplissaient de couleurs incroyables ces grandes toiles plus larges que l'horizon. Je crois qu'elle ne fait plus de peinture. Qu'elle n'a plus le temps.
C'est dommage.

Une amie à moi, beaucoup plus jeune mais avec une chouette tête sur les épaules et dont le seul défaut est de vivre de l'autre côté d'un océan, m'écrivait dernièrement sa peur de tomber amoureuse pour ce type qui est entré dans sa vie dernièrement. Elle me disait qu'elle était partagée entre l'envie de s'y lancer et celle de ne pas perdre sa liberté si chèrement défendue avec succès depuis des années.
Je lui ai répondu que l'amour n'est pas une émotion, mais un état. Comme dans état de choc ou état d'euphorie. Que c'est une commotion avant d'être une émotion.
Qu'il n'existait aucune réponse pour son dilemme.
Ni bonne ni mauvaise. Que si nous plongeons, nous perdons ceci pour gagner cela.
Mais que si nous ne plongeons pas, nous passons à côté de cela mais gardons ceci intact.
Qu'il n'y a pas d'entre deux quand il est question de vivre à deux justement.
C'était une réponse énigmatique et j'en étais très fier.
Cela me dispensait de lui dire quoi faire. Il est immoral de gérer la vie des autres, même en se cachant derrière le prétexte de l'expérience. Car justement, l'expérience n'est qu'une affaire personnelle.

Par la fenêtre de ma cuisine, je vois le soleil à l'horizon. Je crois que ce sera une très belle journée. Mon corps et ma tête espèrent très fort y trouver un peu de chaleur. Comme la plupart de mes concitoyens, cette longue hibernation commence à jouer sur mon moral et mon physique.

Alain Bashung est mort et nous vivons depuis quelques années dans un monde où il ne reste plus que deux Beatles. Un mur qui séparait jadis l'Europe en deux est tombé 12 ans avec que des tours immenses en firent autant. Tandis que dans l'indifférence complice des nations, un autre mur plus honteux encore s'est dressé dans un pays d'absurdités. Des glaciers fondent à toute vitesse. Les érables coulent un mois plus tôt qu'il y a 40 ans. Plus de 2000 personnes se suicident dans ce pays annuellement. Un type qui a lancé une chaussure à la tête d'un bourreau de l'humanité s'est vu recevoir une peine de trois ans de prison. Le bourreau est toujours en liberté et coule maintenant une retraite doré. Au Brésil, la Très Sainte Mère l'Église excommunie une fillette de 9 ans après que celle-ci se soit fait avorter. Elle avait été violée par son beau-père. Le pape en fonction, celui-là même qui faisait le salut nazi à Hitler dans sa jeunesse, reste silencieux. L'économie de la planète s'effondre mais aucun des responsables n'ira en prison. Au contraire, les États du monde entier les refinancent à crédit en leur demandant de repartir la machine. Au Québec, le quart de notre réserve s'est envolé en fumée mais les putains de la finance, Monique et Jean-Pierre en tête, viennent rire de nous devant les projecteurs des caméras. On nous demandera de nous serrer encore plus la ceinture pour que ces gros porcs puissent encore se payer des comptes de dépenses plus gros que nos salaires annuelles.
Au temps des révolutions, on promenait les têtes de ces gens-là au bout d'un pic ou on les pendait à la lanterne. Mais nous vivons désormais en des temps de soumissions et nous nous contentons de regarder la parade en osant à peine élever la voix. Le troupeau humain est trop occupé à rembourser sa carte de crédit pour s'occuper de renverser les injustices. La solidarité des peuples s'est fait assassiner par la liberté payée à crédit. L'indignation populaire, celle qui soulevait les masses, s'est fait étouffer par une pernicieuse politique d'endettement personnel.

Matin, je me lève.
Il n'est plus très tôt.
Je vais travailler.
Je laisse mes doigts crépiter sur le clavier comme si je me parlais à voix haute. J'ai passé une mauvaise nuit malgré un très bon Brandy.
C'est la faute à la réalité. On tente d'y échapper mais elle parvient toujours à nous rattraper quand les effets de l'alcool s'évaporent au petit matin.

J'entends les cloches de l'église du quartier. Elles annoncent je ne sais quoi. Un mariage. Un baptême. Une messe quelconque. Après-tout, nous sommes dimanche. Quelques survivants de l'époque de la Grande Noirceur se dirigent en silence vers le saint lieu pour leur séance hebdomadaire de lobotomie. Des plus jeunes aussi sans doute. Des brebis. Des esclaves.

Bon, je crois que je vais arrêter ici sinon je sens que je vais passer une journée bien déprimante.

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