lundi 23 février 2009

Toucher l'absolu et crisser des coups de coude dans la face des enfants de 7 ans.

C'est indéniable que le plus grand amour qui existe sur terre c'est celui que nous portons pour nos enfants. Si nous pouvions extraire la force énergétique qui relie les parents à leurs enfants et l'appliquer aux choses courantes de notre quotidien, l'humanité pourrait faire des choses incroyables.
L'état dans lequel je suis plongé depuis quelques jours et plus particulièrement aujourd'hui, alors qu'elle vient de quitter le logement, ça me tue grave. Je voudrais bien qu'il n'en soit pas ainsi, mais putain de bordel de merde, c'est impossible.
C'est comme ça depuis 21 ans et 16 jours très précisément, depuis que j'ai vu sa petite tête sortir pour la première fois (et la seule d'ailleurs) de l'origine du monde. Je ne savais pas comment j'allais réagir et j'avais peur de ne pas être à la hauteur. Genre être trop froid ou j'sais pas quoi. J'avais même peur d'être obligé de simuler du bonheur parce que pendant les 9 mois précédents, je n'avais fait que parler à un nombril et on a beau dire et on a beau faire, tant que ça reste derrière un nombril, pour le papa, un enfant ça n'a rien de concret. Tu ne peux pas jouer au hockey avec oui lui montrer à tuer des nazis avec des fusils en plastique. J'aimais bien le nombril de sa maman (et le reste aussi d'ailleurs) mais peut-être pas au point de refuser une coupe Stanley en échange.
Tu vois le genre?
Y a des choses comme ça dans la vie d'un mec qui sont difficiles à négocier sur une échelle de valeurs. Alors l'accouchement, j'avais peur un peu. Mais quand elle s'est pointée la tête, j'ai même pas eu à me forcer et j'ai senti une averse de larmes me couler sur les joues comme tu ne peux même pas t'imaginer qu'il puisse exister des averses de larmes comme ça. Et puis quand le doc m'a donné le petit paquet tout chaud dans les bras, là vraiment, je croyais mourir de bonheur. Le plus beau jour de ma vie et je crois que c'est comme ça qu'on dit en philosophie. Celui que j'aimerais le plus se voir répéter et répéter et répéter à l'infini.
Je n'ai jamais été si proche de comprendre le mystère de la vie que cette journée là. J'avais l'impression de côtoyer Dieu avec qui j'ai pourtant quelques griefs à régler et qui traînent encore dans le bureau du syndicat depuis les dix dernières conventions collectives. J'étais dans un état que certains granolas qualifieraient de parfaite harmonie avec l'essence même de tout ce qui EST. Une expérience VRAIMENT mystique mais qui hélas, s'évaporait à mesure que le temps passait. Comme une porte qui s'était ouverte l'espace d'un bref moment sur la compréhension absolue de toute chose. Comme les derniers songes d'un rêve qui s'évapore au réveil. Je voulais garder cet état le plus longtemps possible mais plus je m'y accrochais, plus il s'éloignait de moi.
Avec sa maman, j'avais créé la VIE! Ce n'est pas rien! Au contraire, c'est TOUT! Tu ne peux pas faire plus grande chose de toute ton existence. Une vie indépendante de la tienne, qui aura ses propres idées, ses propres opinions, ses propres rêves et qui finira même par te dire merde! si tu la pousse un peu trop loin. Une petite boulle de chair et de merde au tout début (oui bon, c'est quand même ça. Un nourrisson, ça ne fait que manger et chier, faut pas se raconter d'histoire non plus) mais qui peu à peu, apprend à penser, à s'exprimer, à se singulariser, à s'émanciper, à se détacher... misère de misère! Plus ça devient indépendant, plus tu en es fier mais en même temps, plus ça te rend triste. Paradoxe cosmique, comme diraient ces mêmes granolas.

Quand elle avait 5 ans, je me souviens que je voulais péter la gueule à ce petit enfoiré qui venait jouer avec elle à la maison. Un trou de cul de graine de voyou de mauvaise famille qui traînait dans les ruelles du Plateau jusqu'à 18 h le soir. Quand elle en avait 7 et que son petit amoureux du même âge était venu à la maison, je l'avais défier au foot dans la cour arrière et je lui avais payé une rince dont il doit encore se souvenir aujourd'hui. Je lui avais passé quelques coudes au visage en driblant le ballon question de lui montrer qui était le maître. Fallait pas être amoureux de ma fille ou alors tu risquais de me retrouver sur ton chemin. L'âge, je m'en foutais parce que dans l'amour absolu, le courage n'a rien à foutre de tout ça. T'avais beau avoir 5 ou 7 ans, moi, je ne faisais pas de différence et j'aurais pu te défoncer la gueule si tu la faisais pleurer. Et même si tu la faisais rire, je te foutais une claque quand même pour t'apprendre à la rendre amoureuse de toi.
Il y en a eu un ou deux après, des plus sérieux. De ceux qui se pointent vers l'âge de 16 ans ou de 18 ans avec des hormones qui explosent par les oreilles. Celui de 16 ans, il a encore peur de moi. Pourtant, je ne lui ai rien fait. Je l'ai juste regardé un soir. Il a tout pigé dans la manière dont mes yeux figuraient le supplice du pale. Il n'est pas resté longtemps. L'autre, c'est une autre histoire. Il avait des tatous et buvait beaucoup de bières. Et puis il était plus costaud que moi. Mais je le travaillais hypocritement. Je faisais copain-copain avec lui jusqu'au jour où je voulais me retrouver seul à seul avec lui devant une falaise. Je l'avais dans ma main et j'avais déjà planifié le moment quand ma fille décida de le larguer. Dommage. Il aurait fait un beau cadavre écrapoutie.

Et puis lui là, ce petit blondinet que je ne peux même pas détester parce que j'écris ces mots sous ce bouquet de roses acheté en Australie avec ce petit mot tellement mignon. Et puis il est drôle. Et puis il est charmant comme tout. Un petit enfoiré de trou de cul que tu ne peux même pas étrangler en toute légitimité entre la frigo et la sécheuse parce que ta fille l'aime. Non pas parce que la loi te l'interdit, (ce qui n'est qu'un détail) mais parce que ta fille l'aime vraiment. Et forcément, tu finis par l'aimer un peu toi aussi. Si tu te décides de l'empaler, comme ça, avec un zest de pittoresque en utilisant le barreau de chaise ou un vieux bâton de hockey (avec un courbe très prononcée et un mailloche de trois pouces d'épais) parce que bon, en tant que père c'est ton droit naturel, c'est certain que ta fille aura de la peine. Et tu ne veux pas que ta fille soit triste. Faut donc que tu apprennes à laisser ta place. Et ça fait très mal. Tu dois laisser ta fille dans les bras de ce petit enfoiré qui te ressemble quand même un peu sur des photos où t'avais 21 ans, c'est à dire il y a de cela 25 ans.

Putain, je crois que je vais aller me coucher. Ça vaudra mieux. Demain, ma fille s'en va pour un an.... aaarrrrghhhh...

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