samedi 24 janvier 2009

Le premier rendez-vous.

J'allais souper chez mes parents mais il était encore un peu trop tôt. Je me suis donc arrêté dans ce café de Repentigny pour lire tranquillement un roman d'Antonine Maillet.
Un couple est arrivé et s'est installé près de moi. Ils parlaient. J'ai subtilement délaissé mon livre pour mon petit calepin de notes que je traîne toujours sur moi.
Voici la chose:

Je suis dans un café de banlieue. Repentigny pour ne pas la nommer.
À ma gauche, un couple qui apprend à se connaître. La cinquantaine tous les deux, la banlieue jusqu'au fond de leur conversation. Je crois que c'est leur premier rendez-vous.
Ils semblent mal à l'aise de se parler. Le mec surtout. Me donne l'impression d'être un propriétaire de garage. En tout cas, c'est un manuel et la femme doit être quelque chose comme assistante adjointe à la directrice administrative d'un bureau de dentiste. Ou quelque chose comme ça.

Lui: Voix caverneuse et accent de la campagne. Il porte une grosse bague au doigt et s'est pointé à son rendez-vous avec un manteau de motoneigiste sur le dos. La grande classe. Il portait aussi une casquette qu'elle lui a demandé de retirer au bout d'un moment. La conversation s'est aussitôt déroulée sur la perte des cheveux et les couronnes capillaires. Un grand débat de société.

"Il faut que la peau respire" lui dit-elle en lui expliquant pourquoi il devait retirer sa casquette.
"Je suis un gars à chapeaux" lui répond-t-il pour se justifier.
Je perçois déjà le début d'une grande histoire d'amour.

Elle: Accent traînant, genre infantilisant. Cheveux teints d'une couleur indéfinissable qui hésite entre le roux, le rouge ou la rouille. Ou alors c'est un mélange des trois. Lunettes dans les mêmes teintes que ses cheveux, c'est à dire impossible.

Ils boivent un café.

Elle : Prend rapidement confiance et dirige la conversation. On sent en elle l'habitude du travail en public. Elle est peut-être chef caissière dans une épicerie finalement.
Lui: Ne se contente que de répondre en essayant de se montrer le plus intéressant possible. Mais comme il passe la moitié de sa vie couché sous un voiture à tripatouiller des bidules mécaniques, c'est difficile.

Lui: Dès qu'il en a la chance, il lui parle de sa maison de Lachenaie qu'il a vendu "seulement" $250 000. " À perte mais je n'avais pas le choix." Il fait le faux modeste et son jeu est trop gros. Clairement, il veut dès le début lui montrer qu'il pourra la faire vivre convenablement. Il glisse aussi ses voyages passés. Jamaïque, Cuba, Mexique.
Les mots "Famille reconstituée" sort de sa bouche. La prononciation lui a demandé un effort considérable. Je n'entends pas le reste et je ne sais pas de quelle famille reconstituée il parle. La sienne ou celle de la femme? Le mystère reste entier.

Elle: Vient de Verdun mais dit "Sud-Ouest de Montréal" pour camoufler son origine de pauvre. Elle a aussi vécu à Rosemont avec son premier mari. Elle passe rapidement sur cette période.

Lui : Veuf... perdu son père, sa mère et sa femme en 18 mois. Puis il rajoute... (et je jure sur la tête de ma fille que c'est vrai) "Un an avant, c'était mon chien. Un boxer. Ça n'a pas été une période facile" Elle semble touchée et réplique en lui parlant de son chien à elle.

J'arrête ici. C'est trop déprimant.

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