jeudi 16 octobre 2008

Le temps des mémés qui tombent

Je me suis levé tard à cause des élections de la veille et de la bouteille de vin vidée en écrivant le précédent post. Je me suis attardé longuement à lire les commentaires des résultats sur les différents quotidiens sur le net. J'ai aussi perdu un peu trop de temps sur Facebook qui est une invention franchement inutile. Ou enfin, pas vraiment utile. Anyway.
Il était environ 13h quand la faim m'a poussé à sortir de la maison pour aller me mettre quelque chose dans le ventre. Direction Café in Vivo sur Sainte-Catherine, dans l'est. Chouette Café de gauche un peu bohême où Le Devoir et La Presse remplacent l'incontournable et déprimant Journal de Montréal de tous les putains de restaurants de la planète-Montréal.
En roulant en direction sud sur Viau, j'ai vu en plein milieu de la chaussée une vieille mémé étendue de tout son long. Une autre était penchée sur elle et tentait de la relever. Un sac à main reposait un peu plus loin, à quelques mètres d'elles, comme s'il avait été projeté. Comme je suis un homme allumé, vif d'esprit et d'un caractère très logique, je me suis dit comme ça: Mmmmh.... bizarre autant qu'étrange! Il me semble que cette scène n'est pas normale. Une vieille mémé n'est pas supposée être allongée de tout son long sur le Boulevard Viau alors que des voitures remontent vers elle sur trois voies de large. De même qu'il me semble tout à fait singulier de voir l'autre mémé tenter de la soulever avec ce reflet de panique dans le regard. Et j'ajouterais comme ça, parce que je suis aussi un fin observateur, que si elle est allongée ainsi sur la chaussée, c'est qu'assurément, quelque chose ne va pas du tout. Le premier moron-à-casquette-blanche-conduisant-une-Honda-Civic-modifiée-avec-une-pétasse-décolorée-et-nombrilisante-assise-sur-le-siège-du-passager passant par là pourrait très bien lui rouler dessus. Je dois donc faire quelque chose.

J'ai mis les deux pieds sur le frein, allumé mes clignotants de sûreté et bondissant de ma Toyota Tercel toute pourrie mais qui ne rate jamais les lacs perdus où elle m'amène pêcher l'été, je me suis précipité à la rescousse de la pauvre vieille. Je regrettais de ne pas avoir apporté avec moi ma cape, mon masque et mes collants qui me font une grosse poche de super héros au niveau de la croupe. Mais déjà, un autre mec était arrivé sur les lieux, me volant par quelques secondes le rôle principal dans cette action d'héroïsme. L'enculé! Je suis venu à deux doigts de lui piquer la vieille et la sauver pour moi tout seul. Mais bon joueur, je m'en suis abstenu.
Pendant que cette dernière se remettait péniblement debout, je dirigeais le trafique tout en faisant de mon corps musclé un rempart d'airain contre les monstres d'acier arrivant à plus de 300km\hre. (Ça roule drôlement vite sur Viau)
La mémé avait eu un léger malaise et s'était effondrée comme ça, sans raison. (Ils sont parfois étranges les vieux. Voir si l'on s'effondre comme ça, sans raison sur le Boulevard Viau! Elle aurait pu faire quelques pas de plus et s'effondrer sur le trottoir, comme tout le monde.) Ou alors peut-être parce que c'est l'automne et que ça ramène aux vieillards des images de mort et de vie qui se termine bientôt. Allez savoir avec les vieux!

Elle s'était remise debout mais semblait encore un peu dans les vapes. Elle regardait tout autour d'elle comme si elle revenait d'un long et profond coma. Peut-être même qu'elle aura vu sa vie défiler devant ses yeux, entre le Presse Café et le Village des Valeurs situés à l'intersection de Viau et d'Ontario.
Le mec (le voleur de premier rôle) lui demandait si elle allait bien, si elle avait besoin d'aide mais elle ne répondait pas. La raison en était très simple. C'est que pendant sa chute (enfin, je suppose), son appareil auditif s'était détaché et pendouillait mollement dans le vide, retenu uniquement par le fil qui s'entortillait autour de son oreille. Moi je voyais tout ça mais je ne disais rien, encore un peu frustré par le fait qu'on venait de me voler le premier rôle de ma vie. Qu'il se démerde ce héros de pacotille!
Pendant ce temps là, et d'une seule main, je repoussais un camion de déménagement qui voulait écraser la mémé pendant que de l'autre main, et sans forcer, je m'allumais une clope.
L'autre mémé qui l'accompagnait lui répétait tout ce que le mec lui disait mais en lui criant carrément les informations parce que si l'on a bien suivit jusqu'à maintenant, la mémé dans les vapes ne comprenait rien. Elle essayait de replacer son appareil mais elle n'arrivait pas à le faire entrer dans l'orifice approprié (C'était pour ne pas utiliser deux fois le mot "oreille") Je me suis alors souvenu que j'avais sur moi mon cellulaire et que bon, ça pouvait toujours servir autrement qu'à envoyer des messages texte un peu cons aux amis parce que je n'ai rien d'autres à faire dans la vie. Je me suis donc approché de la vieille et de son orifice approprié et j'ai hurlé : Je peux téléphoner à Urgence Santé si vous voulez.
Pendant ce temps là, je tenais toujours le camion de déménagement en respect, ne me laissant même pas intimider par le fait qu'il était entrain de brûler ses pneus à force de tourner dans le vide tellement il tenait à écraser la vieille. Ils sont souvent comme ça les camions de déménagement quand ils voient une mémé qui cherche à remettre leur appareil auditif dans leur orifice approprié après un malaise cardiaque ou autre.
J'avais oublié que je portais mes lunettes soleil qui me font des yeux de mouche. Des lunettes de pêche en fait. Polarisées et tout le tralala. Avec ces lunettes, je peux voir dans le fond de l'eau et même au travers des robes des filles si je me plisse un peu les yeux. Un truc super que mon ex m'avait acheté chez Le Baron, Articles de pêche et de chasse, en ces temps lointains où j'étais heureux d'être en amour. (surtout le soir, quand elle glissait son long corps lisse de jeune femme entre mes bras de quadragénaire angoissé. Le matin aussi quand j'y repense comme il faut. Surtout qu'elle mettait toujours trois heures à s'habiller et à se déshabiller parce qu'elle ne se décidait jamais sur le choix de ses vêtements. Scènes mémorables dont je garde de doux souvenirs. Coquine va! Mais bon, passons...) J'avais donc oublié que j'avais mes yeux de mouche, mes longs cheveux qui ont poussés comme de la mauvaise herbe depuis le printemps dernier et qui me font comme une moppe sur la tête parce que je ne me peigne jamais, (C'est chiant un peigne. Ça fait mal quand les cheveux s'entortillent dedans. Putain de peigne!), ma barbe de trois semaines, ma corde de cuir dans cou, ma mâchoire de macaque et mon nez un peu croche, résultat d'un plaquage sur la glace au football quand j'avais 17 ans et dont j'étais très fier parce que je pissais le sang tout en poursuivant la partie.
Bref, et pour faire court parce qu'il est tard et que je travaille demain, j'avais une dégaine à faire peur aux mémés qui ont des malaises sur Viau au coin d'Ontario quand c'est l'automne et que la mort fait jouer des films de la vie qui passe devant les yeux de mémés qui regardent partout. Résultat, quand elle s'est retournée vers moi, elle a fait un saut et a reculée de trois pas. L'autre, celle qui n'avait pas de malaise ni même d'appareil auditif dans la région de la cavité où se dépose la cire d'oreille quand le marchand de sable fait la grève, lui répéta alors ce que je venais de lui gueuler mais en gueulant encore plus fort. Du coup, le camion de déménagement s'est arrêté aussi sec. Mais c'était peut-être une pure coïncidence. Allez donc savoir avec les camions de déménagement de nos jours. Ils ne vont même pas voter. C'est tout dire.
- Non! Non! Pas besoin. Je vais très bien. Ça va aller, qu'elle dit en essayant encore de replacer son maudit appareil de merde qui ne voulait pas rentrer dans la chose qui forme un trou juste en haut du lobe de chair du niveau de la tête où les sons et les bruits se faufilent pour faire de la musique quand justement, il y a de la musique dans les environs de Viau et d'Ontario à l'automne, en cette douce saison de mélancolie qui voit les feuilles et les mémés tomber.

(Merde! Parenthèse. Je viens d'ouvrir à l'instant une bouteille de Conde de Valdemar 2001 à 23$ et cette chose d'habitude si merveilleuse est bouchonnée!!! Fuck! Fuck! Fuck! et Re Fuck!!!)

Elle n'allait pas bien pour autant et c'était assez facile à deviner. Mais les vieux, ils ont de l'orgueil. Surtout les mémés. Ça vient du fait qu'elles accouchaient généralement leurs 38 enfants par famille après avoir travaillé dans les champs toute la journée. Dans ce temps là, il était interdit de se plaindre. Surtout pour les femmes dont le rôle était très simple et se résumait à peu près à ceci: Torcher et pondre. Vision de la femme qui a tendance à revenir à la mode aujourd'hui puisqu'elle figure autant dans le programme du Parti Conservateur du Canada que dans celui de l'ADQ. Ces deux grands partis politique tellement modernes et progressifs.

Quand j'ai vu que la vieille pouvait vivre encore quelques jours et qu'elle avait peur de moi, je suis remonté dans ma voiture et j'ai repris ma route.

Café in Vivo, la serveuse en fonction me semblait nouvelle. Enfin, disons que c'était la première fois que je la voyais. Je lui ai commandé un chili végé et un expresso pour la fin. Je me suis tapé tout ça en lisant les journaux. La serveuse était fière quand je lui ai dit que c'était très bon. Je l'ai vu à son embonpoint qui s'agita comme une marée montante sous mes compliments. Son ventre fit des vagues. Ou n'était-ce qu'une impression? Une vague impression alors.
Des toiles d'un artiste débutant et sans grand talent étaient accrochées aux murs. Bon dessinateur, mais peintre médiocre. J'ai trouvé ça cocasse parce que généralement, c'est le contraire.
Deux filles étaient à la table à côté de la mienne et parlaient de leur cuite de la veille pendant que j'en étais rendu aux statistiques du hockey. L'une d'elles avait un timbre de voix qui m'agressait pendant que j'essayais de prévoir le nombre de points que Kovalev pourrait obtenir cette saison. Et puis elle avait des cheveux blonds et l'on voyait qu'elle en était fière. Elle ignorait qu'un jour, elle deviendrait elle aussi une mémé qui s'effondre à l'automne. Mais comme elle avait quelque chose comme 15 ans de moins que moi, c'est certain que je ne serai plus là pour arrêter les camions de déménagement qui voudront l'écraser. J'aurais voulu lui parler de tout ça, mais elle m'aurait pris pour un demeuré.

Je me suis ensuite dirigé vers la rue Saint-Denis, qui est la rue que j'aime le plus à Montréal. Je voulais acheter un bouquin de Jean-Marie Gustave Le Clézio parce qu'il vient de gagner le prix Nobel et aussi parce que je n'avais jamais rien lu de lui. Je me suis donc fait le Renaud-Bray et j'ai remarqué que je n'étais pas le seul à être passé chez Le Clézio. Son étale était sans dessus dessous. Mais comme je ne voulais pas passer aux yeux des caissières (toujours très belles chez Renaud-Bray, même quand elles sont laides. Depuis que je suis en âge de conceptualiser mes pulsions sexuelles, j'associe toujours mes fantasmes féminins avec mes passions. Ainsi, quand j'étais ado, je rêvais de faire ma vie avec une vendeuse de programmes du Forum de Montréal : Le prograaaaamme de la soirée, tonight's prooooograaaaam! Ces mots qu'elles lançaient en nous accueillant quand les portes s'ouvraient, j'en fondais littéralement. J'avais 10, 12, 14 ou 17 ans et c'était toujours des vieilles d'au moins 23 ou 24 ans. Mais dieu qu'elles étaient belles!
Un jour, quand je serai vieux et filet de bave aux coins des lèvres, je me taperai un pute de luxe que je ferai habiller en vendeuse de programme du Forum de Montréal année 1976 et pendant que je la copulerai à couilles rabattues, je lui glisserai un billet de 100$ supplémentaire pour qu'elle me susurre à l'oreille: Le prograaaaamme de la soirée, tonight's prooooograaaaam! Dans la pièce d'à côté, et parce que je serai devenu un vil pervers, j'aurais embauché au noir trois Mexicains pour faire cuir des hot-dogs steamés juste pour respirer l'odeur nostalgique du vieux Forum au moment où ma bite nonagénaire viagralisée communierait avec l'orifice approprié. Amen. )
... mais, disais-je, comme je ne voulais pas passer aux yeux des caissières pour un twit qui achète les récipiendaires de prix littéraire, j'ai aussi acheté un petit bouquin scientifique qui parlait d'origine de l'Univers et des trous noirs, qui sont aussi, quand on y pense, des orifices mais à cette différence près qu'ils ne sont pas nécessairement appropriés. Surtout quand on sait que ce sont des machins qui se promènent librement dans le cosmos en avalant des galaxies complètes au petit déjeuner. Quand on sait ça, on se demande sérieusement pourquoi nos gouvernements ne font pas des lois pour empêcher ça.

Eh, là franchement, je crois que je vais aller me coucher parce que je commence à dire n'importe quoi et qu'en plus, je commence à trouver vraiment délicieux ce petit vin bouchonné.

2 commentaires:

Guillaume a dit…

Village des Valeurs sur Viau?

C'est pas sur Pie-IX au coin d'Ontario?

Pas que ca change quoi que ce soit a l'histoire, mais je teste ma puissante connaissance geographique des Villages des Valeurs.

Varice et Versa a dit…

You are damn right my friend! J'étais pourtant vraiment sur Pie-IX quand ce truc s'est passé et pas du tout sur Viau. Désolé.
Mais bon, tu as raison, ça ne change absolument rien.