samedi 25 octobre 2008

La vie devant soi

Vu la pièce La vie devant soi hier au Rideau Vert. Catherine Bégin dans le rôle de Madame Rosa ainsi que Aliocha Shneider dans celui du jeune Momo ont donné une puissante interprétation des personnages principaux de cette pièce tirée du roman de Romain Gary alias Émile Ajar, cette belle tête que vous voyez sur la photo.
Très belle soirée.

La vie devant soi est un roman culte de la littérature française de la seconde moitié du 20e siècle autant pour sa forme que pour toute l'histoire entourant l'extraordinaire et très jouissif canular de l'auteur qui se cachait ici sous le pseudonyme de Ajar.

Dans une statistique quelque part ces derniers temps, j'ai vu que 41% des ménages québécois n'ont pas acheté seul livre en 2006. Pour ceux-là et pour tous les autres qui ne lisent que très peu, un roman comme celui-ci serait idéal pour donner le goût de la lecture.

La vie devant soi est ce genre de livre qui te prend dès le début et qui t'entraîne automatiquement dans son monde sans possibilité de décrocher. Je ne connais personne qui n'a pas aimé ce roman et quiconque en ouvre la première page tombe littéralement amoureux du petit Momo, le narrateur de l'histoire et poète surréaliste malgré lui par l'utilisation qu'il fait de la langue française.
C'est drôle, c'est touchant, c'est prenant, c'est puissant et ça reste une brillante expérience littéraire.

À noter que j'insiste un peu parce que je connais des personnes qui se disent "pas être de gros lecteurs". Souvent, ils me disent que ce qu'ils aiment, ce sont de courts textes parce qu'ils n'ont pas toujours le temps ni l'intérêt de se taper des romans. C'est surtout à ceux-là que je m'adresse: Mettez la main sur ce roman! Ouvrez-le et je vous jure que vous ne le regretterez pas. Ou alors je vous rembourse le prix de votre livre.
Tenez, et juste pour vous donner le goût, voici les premières lignes du Roman:

Je m'appelle Mohammed mais tout le monde m'appelle Momo pour faire plus petit. Pendant longtemps je n'ai pas su que j'étais arabe parce que personne ne m'insultait. On me l'a seulement appris à l'école.
La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied et que pour Madame Rosa, avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes, c'était une vraie source de vie quotidienne, avec tous les soucis et les peines. Elle nous le rappelait chaque fois qu'elle ne se plaignait pas d'autre part, car elle était également juive. Sa santé n'était pas bonne non plus et je peux vous dire aussi dès le début que c'était une femme qui aurait mérité un ascenseur.
Madame Rosa était née en Pologne comme Juive mais elle s'était défendue au Maroc et en Algérie pendant plusieurs années et elle savait l'arabe comme vous et moi. Je devais avoir trois ans quand j'ai vu Madame Rosa pour la première fois. Au début je ne savais pas que Madame Rosa s'occupait de moi seulement pour toucher un mandat à la fin du mois. Quand je l'ai appris, ça m'a fait un coup de savoir que j'étais payé. Je croyais que Madame Rosa m'aimait pour rien et qu'on était quelqu'un l'un pour l'autre. J'en ai pleuré toute une nuit et c'était mon premier grand chagrin.
Au début je ne savais pas que je n'avais pas de mère et je ne savais même pas qu'il en fallait une. Madame Rosa évitait de m'en parler pour ne pas me donner des idées. On était tantôt six ou sept tantôt même plus là-dedans. Il y avait chez nous pas mal de mères qui venaient une ou deux fois par semaine mais c'était toujours pour les autres.
Nous étions presque tous des enfants de putes chez madame Rosa, et quand elles partaient plusieurs mois en province pour se défendre là-bas, elles venaient voir leur môme avant et après. Il me semblait que tout le monde avait une mère sauf moi. J'ai commencé à avoir des crampes d'estomac et des convulsions pour la faire venir.

Et c'est comme ça sur des pages et des pages.

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