samedi 27 septembre 2008

Près du Lac Noir

Il y a de ces coïncidences parfois! L'autre soir par exemple et alors que je roulais en direction du chalet, la radio se met à jouer Piano Man de Billy Joel alors que j'empruntais la grande courbe à l'entrée du village du Lac Noir. Or la dernière fois que j'ai entendu cette chanson, c'était environ trois semaines plus tôt alors que j'étais aussi dans ma voiture et que je me rendais aussi au chalet. Mais plus encore, la chanson s'était mise à jouer exactement et précisément au même endroit, c'est à dire au moment où j'entrais dans cette courbe.

Peut-on expliquer les coïncidences? Certains disent que oui, d'autres disent que non. Personnellement, je suis de ceux qui croient que le hasard est un sympathique rigolo qui s'amuse à semer ce genre de cocasseries sur notre route. Qu'il n'y a pas d'explication, que ces choses arrivent comme ça, par hasard justement. Mais d'autres croient fermement que les hasards et coïncidences n'existent pas, que tout arrive selon une volonté quelconque, qu'elle soit divine ou cosmique, mathématique ou quantique. Peu importe.

Si donc les coïncidences n'existent pas comme certaines le prétendent, c'est qu'il y aurait donc une raison à tout ça, que ces événements sont créés à dessein.
Par qui?
Pourquoi?
Et justement, pourquoi la courbe du Lac Noir et pourquoi la chanson de Billy Joel? Serait-ce qu'une partie de la réponse du mystère de la vie se trouverait quelque par dans l'équation de ces deux éléments?
Ça ne colle pas. Si j'étais Le Grand Magasinier Du Hasard, j'utiliserai des images un peu plus symboliques que le village du Lac Noir ou Piano Man. Enfin, il me semble.

J'en ai parlé aux experts du S.F.W.S.O.U.S. ( Search For Weird Stuff and Other Unbelieving Shit) de l'université Princeton. Ils sont venus avec tout leur attirail pour analyser la courbe en question ainsi que pour faire des prélèvements salivaire auprès des citoyens du Lac Noir. Outre le fait que 78% de la population est consanguin, ils n'ont rien trouvé de bien important. Ils sont repartis aussi vite mais j'ai trouvé très louche de voir le maire du Lac Noir leur donner une grosse mallette noire avant de leur serrer la main et de leur taper sur l'épaule. Je suis resté un moment à observer la courbe mais le maire et ses sbires, trois mecs genre armoire à glace, se sont ensuite approchés de moi.

- Vous n'avez plus rien à faire ici! M'a dit le maire d'un ton tranchant. Nous n'aimons pas les types de votre genre.
- Je ne comprends pas monsieur le maire.
- Ne jouez pas les malins avec nous monsieur Varice & Versa. Nous savons très bien que vous tentez de trouver une partie de la réponse du mystère de la vie qui se cacherait p'têtre bien dans l'équation de ces deux éléments.

La tension était à son comble et je devais jouer très serré. Me retirer sans rien dire revenait ni plus ni moins qu'à lui concéder la partie. Mais me montrer trop frondeur pouvait m'être néfaste. J'ai pris une grande respiration et j'ai joué le tout pour le tout. Au même moment, la lune sortie des nuages et vint éclairer la scène d'un halo sépulcral.
- Les deux éléments? Vous voulez sans doute parler de cette jolie serveuse du Café de la Brûlerie du Roy à Joliette?

Il eut un moment de flottement. Pendant quelques secondes, l'on aurait entendu le froissement d'un nuage caressé par la lune. (Putain, je suis en forme ce soir!) Les sbires du maires n'attendaient qu'un signal pour entrer en action mais je savais que je venais de marquer un point. Je le voyais dans la pupille hésitante du maire. Une goutte de sueur perla de son front huileux et vint tomber sur la pointe de son soulier. (Souliers en faux cuir et qui font crouic! crouic! quand il marche avec.) Il tenta d'avaler sa salive mais il dû s'y reprendre à deux fois, me laissant ainsi tout le loisir de voir son gros gosier de maire s'agiter avec peine sous l'équivoque sécheresse de la nervosité. (ça veut dire quoi ça?)
- De quelle serveuse voulez-vous parler au juste?
- Celle avec les gros seins, bien sûr.

À ces mots, et dans une chorégraphie parfaite, les deux sbires mirent la main dans la poche de leur veston pour empoigner leur flingue. Mais le maire calma le jeu. Je venais de gagner une manche mais pas la partie. Il fit quelques pas dans ma direction et s'arrêta à deux doigts de moi.
- Vous êtes fort monsieur Varice & Versa. Très fort. Mais si j'étais vous, je ne pousserais pas plus loin ma chance. Nous votons ADQ ici et nous n'aimons pas que des buveurs de vin dans votre genre viennent se mêler de nos histoires. Un bon conseil, retournez dans votre voiture et ne remettez plus jamais les pieds ici!

Sur ce, il tourna les talons et suivit de ses deux gorilles, il s'éclipsa dans l'obscurité de cette bourgade. Au loin, les chiens hurlaient à la mort.
Bien sûr, et parce que je suis curieux, je suis revenu pendant la nuit pour scruter avec ma lampe de poche le revêtement de la chaussée de cette diabolique courbe. J'ai trouvé quelque chose de vraiment étrange. Un petit dispositif vraiment ingénieux dissimulé dans l'asphalte. Quand on appuie dessus, la radio de la voiture se met à jouer Piano Man de Billy Joel.

- Dieu du ciel! (M'écriais-je en tombant à genoux) Des ondes radio trafiquées!!!

Violons, générique, fin.

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