samedi 22 mars 2008

Le vrai-faux Kovalev

Je ne m'étais jamais retrouvé sur un plateau de tournage avant de la rencontrer et le premier truc qui m'a fasciné c'est cette manière de prendre du faux et d'en faire du plus que vrai. C'était une scène de bistro tournée dans un immense entrepôt et l'endroit avait tellement l'air vrai que du coup, j'ai eu terriblement envie de m'asseoir à l'une de ces tables et de commander une bière."Tu vas la trouver dégueulasse si tu te la siffle" qu'elle me dit en me regardant examiner scrupuleusement un buck de bière froide.
- C'est pas de la vraie. C'est un colorant qu'on balance dans un liquide gazéifié.
- On dirait pourtant qu'elle est plus vraie que la vraie bière! Même qu'elle semble meilleure!
- C'est ça l'idée. Tout l'art du cinéma repose sur ça, la tricherie. Te faire croire que ce que tu vois est plus réel que dans ta vie.
C'est vrai qu'elle semblait incroyablement vraie cette bière. Elle m'expliqua qu'un plan de la scène qu'ils tournaient en ce moment reposait sur cette bière et bien qu'elle n'allait apparaître que quelques secondes à l'écran, il fallait lui donner un rendu plus que parfait. L'endroit était presque désert et il ne restait que les éclairagistes et les manutentionnaires qui allaient et venaient sur le plateau en préparant le set-up du lendemain. Quelques raccords à tourner et on allait ensuite défaire tout ça.
- Je connais des gens qui dans la vie, se croient au cinéma. Mon ancien patron par exemple. Mec moche et frustré sexuellement. Il passait son salaire dans des grosses voitures sports pour se donner une image. Il croyait que sa libido avait plus de chances d'exulter avec l'aide d'une décapotable sport. Ça ne lui aura rien donné à part des dettes immenses et la fierté de raccompagner chez elles quelques danseuses cocaïnomanes après la fermeture des bars. Et puis il y a aussi ces abrutis qui écrivent n'importe quoi sur leur blogue pour se donner une impression de vie palpitante. C'est pas une forme de cinéma leur truc? Une manière de redessiner leur vie triste et monotone? Moi en tout cas, je trouve ça pathétique.
Elle éclata de rire alors que je redéposa le buck sur la table, fier de mon effet.
- Parlant de ça, j'ai vu mes marguerites sur ton blogue. Ça fait tout drôle. Et puis c'est quoi cette idée de m'associer à un papillon?
- À ta manière de flotter dans l'espace quand tu marches. Et puis à cette drôle d'idée qui me vient chaque fois que tu me touche. J'ai l'impression d'être un fleur sur laquelle tu viens doucement te poser. Une putain de fleur toute bizarre avec une gueule mal rasée et qui fume comme une cheminée. Une fleur un peu écorchée, certes, mais qui se redresserait vers le soleil grâce à toi.
Je me suis surpris à sonner aussi cliché, aussi mauviette, aussi romantiquement gnagna et j'ai vite dévier la chose sur un sujet viril pour lui montrer que j'étais toujours le même mec Alpha qu'elle croyait, celui qui est à la page 27 du grand manuel des relations hommes-femmes.
- Au fait, y a Kovalev qui a marqué deux buts au dernier match. T'as vu? T'ais-je dit que lorsque je serai grand, je serai Alex Kovalev? J'aurais bien aimé avoir des K dans mon nom. Pas toi? Tu crois que les noms ont une portée sur la destiné des hommes? Est-ce que Charles De Gaulle par exemple aurait eu la même gloire s'il avait eu pour nom quelque chose comme Robert Dugland ou encore Philibert De Lacouille?
Mais elle n'en démordait pas et resta fixée sur les papillons comme si je n'avais rien dit d'autre.
- J'ai les cheveux roux! T'as déjà vu un papillon avec une tête rousse toi?
C'est vrai qu'elle a de beaux grands cheveux roux. Les rousses blanchissent-elles avec l'âge? Quand elle aura 40 ans dans deux ans d'ici, ou 60 dans 22 ans, sera-t-elle encore toute rousse comme maintenant? Moi je commence déjà à avoir quelques poils de barbe blancs et c'est chiant. On ne peut pas être Kovalev avec des poils de barbe blanc!

Faut que je me sauve, j'ai pas le temps d'écrire plus. Y a un papillon qui vient de se réveiller.

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