mercredi 30 janvier 2008

Rue Rachel

Je suis un platopithèque millésimé 1982. J'ai en effet commencé à habiter le Plateau Mont-Royal cette année là. Ou était-ce 1981? Je ne m'en souviens plus. Un super 7 1\2 en face du parc Lafontaine pour à peine 300$ par mois si je me souviens bien. Aujourd'hui, le même logement doit valoir quelque chose comme 1 500$ sans aucune exagération. Sinon plus. Quand on sait que des petits 3 1\2 de fif se louent à 700$, mon ancien palace doit assurément avoisiner les 1 500$. Georges Perec, Romy Shneider, Patrick Deweare, Henry Fonda, Ingrid Bergman, Grace de Monaco, Glenn Gould, Pierre Mandès-France, Leonid Brejnev et Arthur Rubeinstein sont tous morts cette année là, pendant que je fumais des pétards gros comme des barreaux de chaises avec Michel et René, mes deux colocs de l'époque.

Parlant de Georges Perec, je glisse ici un court passage de son roman, La Disparition, et je demanderais à ceux qui ne connaissent pas Perec de le lire attentivement et d'essayer de trouver dans ce texte la plus improbable des disparitions de la littérature française . Allez-y, c'est un jeu.
Et défense de souffler la réponse dans la salle svp! Merci.

Tout avait l'air normal, mais tout s'affirmait faux. Tout avait l'air normal, d'abord, puis surgissait l'inhumain, l'affolant. Il aurait voulu savoir où s'articulait l'association qui l'unissait au roman : sur son tapis, assaillant à tout instant son imagination, l'intuition d'un tabou, la vision d'un mal obscur, d'un quoi vacant, d'un non-dit : la vision, l'avision d'un oubli commandant tout, où s'abolissait la raison : tout avait l'air normal mais...
Mais quoi ?
Il y paumait son latin.


Réponse à la dernière ligne de ce texte. Ou comme le dirait Perec: La solution à la fin.

J'étais étudiant en Arts Plastiques au Cégep Du Vieux-Montréal et comme tous les étudiants de cette discipline, je m'habillais dans les friperies - ce qui n'a pas beaucoup changé 26 ans plus tard - et je fumais des rouleuses. Même que j'aimais bien me promener avec des foulards autour du cou, été comme hiver, parce que ça faisait artiste. Y a que les étudiants en Art Plastiques qui peuvent faire ça sans passer pour des fifs. C'est bien connu.
C'est dans ce logement que j'ai connu la jolie S... qui avait des yeux tellement ronds qu'on aurait dit des billes plantées en bas du front et juste en haut du nez. Elle avait aussi des lèvres merveilleuses et particulièrement confortables où il faisait toujours bon s'arrêter les soirs de pleine lune. La première fois que j'ai touché sa langue avec la mienne, (la langue de S.... se trouvait dans sa bouche, cette bouche qui avait eu la bonne idée de se former entre ses lèvres, lèvres qui se trouvaient judicieusement placées sous son nez qui lui-même se trouvait sous ses yeux plantés en bas du front) c'était l'automne après un cours de dessin avec madame Suzanne Dumouchel, femme du célèbre peintre Albert Dumouchel. (googeulisez-moi ça!) J'avais invité S... à mon appartement pour - officieusement - travailler une toile qu'on devait réaliser ensemble mais aussi - et surtout - pour lui dégraffer le soutien gorge avec mes dents si le coeur lui en disait. Ce qui fut fait avec un brio. J'étais très fort dans cette discipline à l'époque. C'était bien avant que je commence à porter une prothèse dentaire.
Putain de prothèse dentaire! Z'avez déjà essayé de dégraffer un soutif avec vos dents quand justement, les dents sont remplacées par une prothèse? Pas évident! Ça prend un technique du diable et faut compter quelques échecs lamentables avant de maîtriser cet art subtile. Z'avez jamais perdu votre dentier dans le slip d'une fille en essayant de le lui retirer avec votre bouche? Situation plus qu'embarrassante s'il en est une. Et dans le noir en plus! Putain, l'enfer.

- Ça va chéri?
- Oui, oui... tout vfa bien.
- Mais qu'est-ce que tu fous enfin? Y a un truc froid et mouillé qui s'est collé à l'intérieur de ma cuisse! C'est dégueulasse!!!
- Rien! Rien! Reste allonfvée... heu... v'en ai pfour une minute... (Pour lui-même: Sacrament d'ostie d'tabarnak de dentier de merde!!!)

Je ne voudrais pas manquer de respect à S... qui fut pour moi une merveilleuse productrice de plaisirs en tout genre, mais c'est à elle que je dois mon intronisation au club sélect des cocus.
Si! Si! Cocu je fus!
En plus, le mec, il devait avoir une quarantaine d'années. Un vieux tabarnak quoi. Il était proprio d'un Dunkin Donuts qu'il avait acheté suite à l'héritage du décès des parents de sa femme. Le véritable enculé dans toute sa splendeur. Prends le fric de l'héritage de sa femme pour s'ouvrir un resto où il se tapera ma blonde qui y travaillait! Faut le faire! Plus merdique que ça, tu crèves. Et puis elle... saloooope!
En plus, tellement pathétique le mec qu'il se promenait en ville avec son uniforme de Dunkin Donuts de merde. Beige de la tête aux pieds et beige jusque dans ses réflexions. Je déteste le beige. D'ailleurs, je déteste les gens qui aiment leur uniforme de travail. Je déteste aussi les gens qui vouent un culte à leur entreprise et qui remplacent dieu - qui n'existe même pas de toute façon - par un logo ou par un conseil d'administration. Je déteste les dogmes sous toutes leurs formes. Je ne crois en rien, ou alors en moi. Ou encore aux soutiens-gorges. C'est plus concret et c'est plus jouissif quand on les fait tomber. Avec ou sans dents.

Qu'est-ce que je voulais dire avec tout ça moi? Ah ouais, mon logement de la rue Rachel. Mais bon, il se fait tard.



Réponse de la question sur Perec: Son roman est un lipogramme en E. C'est à dire que la lettre E y est inexistante. De la le titre: La Disparition.
Perec, c'est lui sur la photo. Putain, j'aurais bien aimé prendre une bière avec un type qui a une tête comme ça. Je suis certain que ce mec là n'était pas triste.

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