C’est ma fille qui m’a avisé par un texto ce matin. Il était 6h39 quand
elle m’a écrit ceci : « Hey, y
a eu des meurtres à Charlie Hebdo ! » J’ai ouvert mon ordi et il me
semblait que je revivais le 11 septembre. Et quand j’ai appris à 8h39 précise
que parmi les victimes se trouvaient Charb, Wolinski, Tignous et surtout Cabu,
là, ça été le comble. Là, ça été comme si je revivais l’assassinat de Lennon.
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce journal, et pour faire une
analogie populiste très québécoise, c’est un peu comme si chez le CH de 1976,
tu perdais d’un seul coup Guy Lafleur avec le Big Three au complet. Et je
n’exagère même pas.
Le reste de la journée a été un cauchemar surréaliste. Près de 15
heures plus tard, et au moment où j’écris ces lignes, je suis encore secoué par
les tristes événements.
J’ai même pleuré un coup en pensant à Cabu. C’est vrai que lui, il a
été pour beaucoup dans le fait que je peux manier le crayon, faire de jolis
petits dessins pour m’amuser. J’ai beaucoup appris en le copiant. Le Grand
Duduche, son mythique personnage lycéen, je me reconnaissais en lui.
Putain, pourquoi on tue des bons mecs comme ça ?
Toute la journée, j’ai eu l’impression d’une fin du monde latente.
C’est peut-être con à dire, mais je me suis senti attaqué plus que le 11 septembre.
Parce qu’aujourd’hui, 7 janvier 2015, ce n’était pas de l’acier et du béton
qu’on ciblait, mais des idées et une manière de penser. Et ces idées, et cette
manière de penser, je m’identifie à elles. Ce refus du prêt à penser imposé par
une croyance, une idéologie, un parti politique, ce refus que prône (je parle
encore au présent) Charlie Hebdo, je le prône et je le revendique. J’ai appris
avec les années à tout remettre en question et à ne jamais me figer l’esprit
dans un dogme, une certitude ou une supposée vérité. Je ne crois pas trop en
Dieu tel que l’enseignent les religions, mais si Dieu existait, le plus grand
cadeau qu’il ne m’aura jamais donné, c’est le cerveau. Et la plus grande
utilisation que l’on puisse faire de ce cerveau, c’est d’essayer de trouver
Dieu, quitte à douter de son existence. J’ai le droit de douter de lui. J’ai le
droit de ne pas croire en lui. J’ai le droit de le dire, de l’écrire, de le
chanter et de le dessiner. Car même si je me trompe et qu’il existe vraiment,
les seules lois qui seraient alors vraies seraient les siennes, et non celles
des hommes. Et s’il n’existe pas, alors les seules vraies lois ici-bas seraient
celles qui prônent le respect de la vie.
Mais en plus, ils ont tué Cabu. Ils s’en sont pris à une partie de mon
enfance, à un ami de la famille, à ma famille à moi. À mon Église des Moutons
Noirs et des Marginaux.
Difficile d’écrire ce soir. Ça fait deux heures que je suis devant ce
texte. Je vais et je viens entre ces lignes et les commentaires des internautes.
Y a de belles choses comme y a des conneries.
Une jeune amie musulmane a écrit « On récolte ce que l’on
sème ».
Je me suis retenu.
Une moins jeune collègue a écrit « Il faudrait tous les crisser
dehors ».
Je me suis aussi retenu.
Ça devient difficile de se retenir.
D’un côté ou de l’autre.
Mais y a des fois où ta colère…
Et ta tristesse.
Aujourd’hui, ils ont tué des gentils pacifistes libres penseurs. Des
cancres sympathiques qui gagnaient leur vie à dessiner autant de grandes choses
que des cochonneries qui faisaient rire depuis qu’on était à l’école.
Des clowns avec des idées et des crayons.
J’ai mal à mon humanité.
Adieu Cabu.
Merci.
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