mardi 28 janvier 2014

slam


Ça faisait longtemps que je n’avais pas mis les pieds dans une soirée de poésie. Ça faisait au moins… oui bon, je préfère ne pas compter. Ça me déprimerait trop. Passé une belle soirée à écouter des gens rimer leurs angoisses ou leurs bonheurs. Mais plus leurs angoisses, because poésie oblige. Ça va avec comme dirait le poète.
Tous les clichés du genre étaient là. Ce qui est toujours réconfortant. Ça fait du bien de voir que dans ce milieu là, rien ne change vraiment avec les années.
Ah, mais si quand même. Certaines choses changent un peu. J’ai trouvé les gens moins prétentieux qu’à l’époque de mon Cégep. Moins chiants et surtout beaucoup moins constipés de l’humour, cette chose que les poètes de ma jeune vingtaine exécraient. Parce qu’il y avait des moments franchement drôles ce soir. J’ai adoré ma soirée.
Désacraliser le verbe qu’on déclame à micro ouvert, j’aime bien.
Il y avait tout ce qui faut pour faire un beau docu sur le sujet. Même l’incontournable gros poète à cheveux longs et grisonnants, chapeau noir callé sur la tête, foulard rouge, l’Aristide Bruant de Rosemont-Petite-Patrie qui y va de ses textes engagés sur ce poète iranien emprisonné à vie pour une rime de trop. Sa parole enragée faisait vibrer des mots qu’on voyait venir de loin « Toi mon frère poète… » Sa voix tonitruante rendait hommage au courage du poète maudit face à ses bourreaux incultes. Celui-là, on le devinait facilement frustré de ne pas être né au 19e siècle parce que ça ne dérange plus personne aujourd’hui de se couper une oreille pour l’offrir à sa pute préférée après une cuite à l’absinthe. Oui bon, je me moque, mais j’ai quand même du respect pour ces gens. Même que l’idée d’aller faire un fou de moi en février prochain, lors du prochain slam session, me démange ce soir.

Si j’y suis allé, c’est pour faire plaisir à MP qui organise ces soirées. Ça se fait toujours les lundis alors que moi, les lundis, je travaille. Ou alors j’ai des assemblées syndicales. Ou alors j’ai des machins de réunions avec mon délégué syndical qui ne sont que des prétextes pour refaire le monde à notre manière. Du coup, j’ai tout raté ses soirées de slam qu’elle organise toute seule comme une grande. D’ailleurs elle est grande, aussi grande que moi, ce qui n’est pas désagréable du tout. Elle commençait sérieusement à me mettre de la pression. Pas méchamment, mais, disons gentiment. À la blague. Au chantage. À la culpabilité bon enfant. MP, c’est ma pote du hasard rencontrée sur un fil de discussion politique lors du printemps érable. Ma bohème préférée à qui il fait bon donner des cours de conduite pour qu’elle puisse passer d’un seul coup son permis de conduire. Ce qu’elle vient d’ailleurs de faire de main de maitre. Très bon prof je suis avec ma Tercel toute pourrie.

MP slam et poétise, donne de son temps pour les femmes en prison, pour les mecs qui survivent à la Maison du Père, pour celles-là et ceux-ci que la société pousse du pied dans ses marges fétides où croupissent les victimes de l’efficacité sacralisée. MP n’a pas de boulot fixe, à part le fil tendu au-dessus d’un vide sans filet sur lequel elle funambule sa vie. Pigiste de la vie, elle glane les restants de bonheurs tout chauds méprisés par les aveugles de la liberté consommée à crédit. 
Moi y en a vouloir des MP partout dans le monde.
Le monde serait plus juste et plus beau. 

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