Ça faisait longtemps
que je n’avais pas mis les pieds dans une soirée de poésie. Ça faisait au
moins… oui bon, je préfère ne pas compter. Ça me déprimerait trop. Passé une
belle soirée à écouter des gens rimer leurs angoisses ou leurs bonheurs. Mais
plus leurs angoisses, because poésie oblige. Ça va avec comme dirait le poète.
Tous les clichés du genre
étaient là. Ce qui est toujours réconfortant. Ça fait du bien de voir que dans
ce milieu là, rien ne change vraiment avec les années.
Ah, mais si quand
même. Certaines choses changent un peu. J’ai trouvé les gens moins prétentieux
qu’à l’époque de mon Cégep. Moins chiants et surtout beaucoup moins constipés
de l’humour, cette chose que les poètes de ma jeune vingtaine exécraient. Parce
qu’il y avait des moments franchement drôles ce soir. J’ai adoré ma soirée.
Désacraliser le verbe
qu’on déclame à micro ouvert, j’aime bien.
Il y avait tout ce
qui faut pour faire un beau docu sur le sujet. Même l’incontournable gros poète
à cheveux longs et grisonnants, chapeau noir callé sur la tête, foulard rouge,
l’Aristide Bruant de Rosemont-Petite-Patrie qui y va de ses textes engagés sur
ce poète iranien emprisonné à vie pour une rime de trop. Sa parole enragée faisait
vibrer des mots qu’on voyait venir de loin « Toi mon frère poète… »
Sa voix tonitruante rendait hommage au courage du poète maudit face à ses bourreaux
incultes. Celui-là, on le devinait facilement frustré de ne pas être né au 19e
siècle parce que ça ne dérange plus personne aujourd’hui de se couper une
oreille pour l’offrir à sa pute préférée après une cuite à l’absinthe. Oui bon,
je me moque, mais j’ai quand même du respect pour ces gens. Même que l’idée
d’aller faire un fou de moi en février prochain, lors du prochain slam session,
me démange ce soir.
Si j’y suis allé,
c’est pour faire plaisir à MP qui organise ces soirées. Ça se fait toujours les
lundis alors que moi, les lundis, je travaille. Ou alors j’ai des assemblées
syndicales. Ou alors j’ai des machins de réunions avec mon délégué syndical qui
ne sont que des prétextes pour refaire le monde à notre manière. Du coup, j’ai
tout raté ses soirées de slam qu’elle organise toute seule comme une grande. D’ailleurs
elle est grande, aussi grande que moi, ce qui n’est pas désagréable du tout. Elle
commençait sérieusement à me mettre de la pression. Pas méchamment, mais, disons
gentiment. À la blague. Au chantage. À la culpabilité bon enfant. MP, c’est ma
pote du hasard rencontrée sur un fil de discussion politique lors du printemps
érable. Ma bohème préférée à qui il fait bon donner des cours de conduite pour
qu’elle puisse passer d’un seul coup son permis de conduire. Ce qu’elle vient
d’ailleurs de faire de main de maitre. Très bon prof je suis avec ma Tercel
toute pourrie.
MP slam et poétise,
donne de son temps pour les femmes en prison, pour les mecs qui survivent à la
Maison du Père, pour celles-là et ceux-ci que la société pousse du pied dans
ses marges fétides où croupissent les victimes de l’efficacité sacralisée. MP
n’a pas de boulot fixe, à part le fil tendu au-dessus d’un vide sans filet sur
lequel elle funambule sa vie. Pigiste de la vie, elle glane les restants de
bonheurs tout chauds méprisés par les aveugles de la liberté consommée à
crédit.
Moi y en a vouloir
des MP partout dans le monde.
Le monde serait plus
juste et plus beau.
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