lundi 24 juin 2013

Parasites


Au chalet. 

Quand la nuit tombe, les ouaouarons du lac se répondent d’une berge à l’autre. Quand tu portes bien attention, tu vas t’apercevoir qu’il y a une cohérence rythmique dans leur chant. Comme une chorale. 

5 mecs sur un pédalo. Ils viennent du chalet à louer de l’autre côté du lac. Le soir tombe alors qu’ils traversent le lac lentement. Ils ont loué en bande pour la St-Jean, beuverie assurée. 25 ans à tout casser. Que des mecs. Leurs pétasses sont restées au chalet. Je les entends rigoler. 
Je suis sur ma véranda et je bouffe. Saucisses et salade. 
Je les vois se diriger de mon côté. Du coup, ils me font chier parce qu’ils existent et s’amusent à me le prouver ici, à ce chalet alors que je cherche juste à me tenir loin de tout ce qui ressemble à un être humain. 
J’avais la paix jusqu’à ce moment. 
Pourquoi ils viennent près de ma berge? Pourquoi ils me forcent à les côtoyer alors que je n’ai rien demandé? Pourquoi ils décident de respirer par ici? Pourquoi ils ne vont pas de l’autre bord, du côté du chalet des bonnes soeurs dont les lumières éteintes prouvent qu’il n’est pas occupé? Pourquoi aller justement là où les gens essaient d’avoir la paix? 
Je bouffe sur ma véranda, je disais. Ils ne sont qu’à quelques pieds. Ils rigolent. Ce sont 5 morons de la ville.  L’un d’eux débarque devant la berge du voisin avec un filet de pêche dans les mains. 
Il attrape un ouaouaron. 
MON ouaouaron! 
Celui qui chante avec ses potes chaque soir devant mon chalet. C’est mon ouaouaron fuck!
J’adore l’entendre chanter. Le jour, quand le soleil tape, il vient se cacher sous mon quai. Je peux m’approcher de lui à quelques centimètres. Il se laisse prendre en photo, se laisse même toucher si tu y vas doucement. Il est presque apprivoisé. 
Mais le voilà maintenant dans le filet de pêche de ce con. Je n’ai pas le temps de bouger, je suis figé. Il me le kidnappe! Sous mon nez en plus! Il retourne vers le pédalo et pour bien faire rire ses potes, voilà qu’il s’élance et rabat de toutes ses forces le filet contre la paroi de fibre de verre du pédalo. Ça fait un grand «Shtack!» Le bruit du ouaouaron percutant la paroi. Il meurt sur le coup, forcément. Et je les attends rigoler. Parce que ça les a fait rire ces cons. 
Moi, je reste sans voix, abasourdi par ce que je viens de voir. 
Et ils repartent en rigolant et en rotant leur bière. 

Ils ont loué le chalet deux jours et ont eu le temps de tuer cette petite bête sans défense qui chantait pour moi sur ma berge depuis quatre ans. Un autre exemple à petite échelle que l’homme est ici, dans ce monde, que pour parasiter cette planète. 

J’écris ces lignes alors que la nuit est maintenant tombée. Les ouaouarons chantent tout autour du lac. Mais il manque une voix. Celle qui provenait de ma berge. L’équilibre de la chorale est rompu. 

1 commentaire:

Unknown a dit…

À 25 ans on emmerde les ouaouarons alors qu'à 50 on les ecoutent et on apprécient leur chant.
Ca doit etre ca, la sagesse...
Désolé pour toi.