mercredi 23 février 2011

Dent

Bon, je crois que je vais aller me coucher. Je tentais juste de faire passer par cette série de clips pas très importants pour la survie de la race humaine un putain de mal de dents qui me tarabuste la quiétude depuis hier soir. Le genre de mal de dents qui te donne l’impression d’avoir une lame de couteau rouillée coincée dans la gencive avec un type obèse qui s’amuse comme ça, pour rigoler, à appuyer dessus.

J’ai un rendez-vous demain avec la dentiste. Au téléphone, j’avais l’impression de parler à la femme de ménage. Elle ne semblait pas certaine de son horaire ni de l’heure où elle pouvait me faire passer. En fait, j’avais l’angoissante impression de la réveiller et d’être le tout premier client à se manifester depuis les dix dernières années. Je l’imagine déjà ce soir en train de sortir ses poussiéreux instruments de torture de son vieux vaisselier en bois massif et de vérifier dans le guide d’accompagnement la manière de s’en servir.

Chalumeau, scie ronde, fer à soudure...

Putain! Je n’aime pas les dentistes! J’ai mal juste à prononcer le nom de leur profession.

Ça vient de mon enfance. Un type, un boucher reconverti en dentiste je crois, près du pont Papineau. Je devais avoir 4 ou 5 ans. Y m’avait piqué je ne sais même pas comment, mais bordel, qu’est-ce que ça avait fait mal! Y voulait me faire rire et par là, me faire oublier la douleur qu’il m’infligeait. Il faisait des simagrées exagérées comme un mauvais comédien, du cabotinage de mauvais aloi, dansant et surtout chantant je ne sais quelle ritournelle enfantine qui se voulait sans doute rigolote, mais que je percevais comme un angoissant prélude à une boucherie annoncée. Ce type-là, il était fou. Il dansait pour me faire rire! Avec ça, ses instruments de torture dans la main! Assis sur la chaise de torture, j’avais l’impression d’être un gigot qui mijotait avant le repas. Et en plus d’être fou, il avait l’autorité professionnelle et morale pour me percer sans ménagement les molaires et me charcuter en toute quiétude les gencives.

Il m’avait fait peur et après m’avoir piqué pour me geler, j’ai décidé de ne plus ouvrir la bouche.

Va te faire foutre pauvre con!

J’ai p’têtre 4 ans mais je sais reconnaître un boucher sanguinaire quand j’en croise un devant moi. Depuis ce temps, mes relations avec les dentistes ne sont pas très bonnes. Comme qui dirait, le lien de confiance s’est brisé très tôt entre nous.


Demain vers 13h, je vais retrouver ce putain de siège en cuir et cette maudite lampe qui m’éclairera le fond de la gorge. J’aurai la bouche grande ouverte et des mains étrangères me tripatouilleront la chose dentaire. Mon filet de bave sera aspiré par une mini pompe qui crachera mon malaise dans un petit lavabo amovible qu’on aura rapproché pour l’occasion à proximité de mon putain de siège en cuir.

Ma bouche! Une étrangère me jouera dans la bouche! Avec des lames, des aiguilles, des spatules et je ne sais quoi d’autre...


Ce soir, et pour espérer dormir un brin, je me saoul sans ménagement. Je ne sais pas si c’est l’énervement, l’appréhension ou je ne sais quoi d’autre, mais je n’y arrive pas tout à fait. Je suis pompette, mais pas saoul du tout. Ma voisine m’a refilé des antidouleurs, mais je ne sais pas si j’aurai à les prendre. Je vais tenter de trouver un petit bout de sommeil sans avoir à y rajouter de la drogue par-dessus. Ce sont des comprimés qu’elle prend quand ses règles se font trop douloureuses. Moi, j’ai jamais eu de règles donc je ne sais pas si ces pilules peuvent faire effet sur ma dent.


- Une douleur est une douleur, qu’elle m’a dit.

- Oui mais une dent n’est pas une règle, que je lui ai répondu avec une féroce conviction tout en me massant l’extérieur de ma mâchoire.


J’écris tout ça en terminant ma bière et juste avant d’aller me coucher.

Bonne nuit bande d’enfoirés.

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