lundi 22 novembre 2010

Ce soir c'est n'importe quoi.

À côté de mon apparte, il y a une fromagerie. Le type, en me vendant son fromage de chèvre cendré en forme de pyramide coupée m’expliquait que c’était le fromage préféré de Napoléon.

- Ah ouais?

J’attendais la suite, sachant que Napoléon n’était pas très «fromage». En tout cas, rien dans mes quelques 200 bouquins n’y fait mention. Il était très «soupe aux lentilles», très «poulet», très «oeuf à la coque», mais pas du tout «fromage». C’est fou le nombre de légendes de toutes sortes qu’on fout sur le dos de Napoléon. Heureusement que j’étais là pour rectifier certains faits. Mais le vendeur en rajoutait, ignorant qu’il se calait davantage.

- Si si. Et si la pointe de la pyramide est coupée, ça vient de son fromager personnel qui ne voulait pas lui rappeler les désastres de ses défaites en Égypte.

Du tac au tac, je lui réponds un truc qui le tue.

- D’abord, il faut savoir que lors de son expédition d’Égypte, on disait «Le général Bonaparte» et non «Napoléon».

- ... je ne comprends pas, qu’il me répond avec ses yeux de merlan frit.

- Il n’était pas encore Empereur.

- D’accord, mais ça change quoi?

- Ça change qu’on ne l’appelait Napoléon qu’après son couronnement. Avant, on disait le général Bonaparte jusqu’au Consulat. Ensuite, on disait Bonaparte jusqu’à l’avènement de l’Empire. Et seulement après, on disait Napoléon. En Égypte, il était général. Donc, il fallait dire «le général Bonaparte». C’est plus précis et ça évite de confondre vos clients.

Il était un peu déstabilisé. Faut le comprendre.

- C’est tout?

- Non. Le général Bonaparte n’a jamais perdu une seule bataille en Égypte.

- Mais si!

- Mais non!

- Mais si!

- Je vous dis que non! À la limite, nous pourrions dire qu’il s’est planté à St-Jean-D’Acre parce que le siège qu’il imposait à la ville s’était étiré trop longtemps et qu’il fut obligé de revenir sur ses pas, mais il n’a pas perdu une seule putain de bataille. Sans doute voulez-vous parler de la flotte qui fut coulée à Aboukir par Nelson mais à proprement parler, ce n’était pas une bataille où il participait. Le général Bonaparte n’y était pas. Cette catastrophe fit même son affaire parce qu’elle obligeait les troupes à rester sur place, ce qui réglait une fois pour toutes les éventuelles tergiversations sur cette question épineuse que se posait son entourage: devons-nous rester oui ou non? Plus de flotte, la question ne se posait plus. Le général Bonaparte ne fut pas plus contrarié qu’il ne faut à la suite de cette nouvelle.

Le type n’a rien rajouté. Il m’a refilé mon fromage sans dire un mot. Ne m’a même pas remercié pour les précisions.


Quelques jours plus tard, sur la même rue de mon nouveau quartier, j’étais avec un pote dans un resto vietnamien. J’avais le goût de me bouffer une soupe vietnamienne qui te fait dans l’estomac plein de chaleur avec des nouilles dedans. Lui, il avait pris du poulet à la sauce beurre d’arachides. Ou un truc comme ça. Nous venions de terminer une journée de tournée syndicale où nous avons sensibilisé les collègues aux problèmes de santé et de sécurité au travail. Le soleil était sur le point de se coucher sur la rue Mont-Royal, mais il faisait encore beau. Je me souviens que nous avons mangé en silence et je n’ai rien d’autre à dire de ce moment que le fait que ce fut un soixante minutes de pur bonheur tout simple.


J’écris ces trucs après une partie de hockey ou la bande à Rochon-Forget-St-Fort nous a massacrés de belle manière. Un feu roulant de jeunesse éternelle. Sauf pour Rochon qui n’est plus si jeune, mais qui se tape toujours des épaules comme un vaisselier en bois massif. J’ai tout donné, mais ce n’était pas assez. J’ai bien peur que ça ne soit plus jamais assez d’ailleurs. Ce fut pénible ce soir. Les jambes ne suivaient pas. J’ai tout de même sept points sur nos dix buts, mais ils en ont marqué vingt-et-un. Y a pas photo comme dirait les cousins Français. Je ne dirais pas que c’est de la faute à notre gardien même si nous sommes tous venus à deux doigts de le pendre à la première lanterne à notre disposition. (11 buts contre lui en troisième période sur 23 lancers... Pas fort. Mais bon, ce n’est pas de a faute. Il est gros et ne voit plus très bien à plus de trois mètres de lui.) Les potes ne backaient pas et je me retrouvais tout seul à la défense contre ces trois furieux. Peux pas faire des miracles. La bière est tout de même bonne ce soir.


Je vais me coucher.

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