Partie de hockey au Mousse Café. Je suis arrivé trente minutes avant le match, non pas pour être certain d'avoir une bonne place, mais bien parce que je voulais prendre le temps de continuer mon bouquin. Je me tape l'autobiographie de Barack Obama. Intéressant.
J'avais les deux tables du centre pour moi tout seul et l'écran géant en plein dans la face. Les meilleurs sièges en ville.
Je me suis allongé les jambes et je me suis écrasé sur ma chaise bien confortablement en laissant le président américain me raconter ses années de travailleur social. C'est chouette d'avoir un président américain de mon âge, qui a les mêmes références culturelles, qui a regardé les mêmes émissions de télé pour enfant que moi, qui a lu les mêmes numéros de Spider Man que moi dans les années '70. Je me sens proche de ce mec là. Et en plus, il est athée, même s'il dit un peu le contraire depuis deux ans.
Dehors, c'était froid et humide comme c'est souvent le cas en février quand on attend désespérément que l'été arrive. L'endroit était donc d'autant plus confortable. J'ai commandé une coupe de vin rouge que j'ai tété pendant les trois périodes.
Peu à peu, les clients réguliers des soirs de parties de hockey sont arrivés. Le monsieur mal rasé qui ressemble un peu à Pierre Falardeau, la fille un peu weird qui a les cheveux fixés comme dans les années '80, le couple d'amoureux de 60 ans, le jeune longiligne qui ne dit jamais un mot et qui va fumer ses clopes dehors après chaque période, le monsieur qui fait toujours les mots croisés dans le journal et puis quelques autres. On forme une petite communauté tranquille qui s'échange quelques mots parfois. Mais je suis certain que nous avons tous la même solitude en commun. Sauf pour le couple. Sinon nous ne serions pas là un mardi soir chacun tout seul à sa table.
En quelque part, je dirais qu'il y a là quelque chose de pathétique là dedans.
Par moments, je me dis que c'est sans doute pour ça que le hockey a été inventé. Pour se réfugier dans les Cafés les soirs d'hiver quand on cherche à mettre une peu de substance dans un quotidien qui se débat sans surprise en plein mois de février.
Je ne suis pas comme les autres fans qui vivent et meurent pour le CH. Je l'ai déjà été, mais je ne le suis plus. Je regarde le match comme on regarde un feu de foyer. Parfois, je focus sur un joueur comme je focuserais sur une bûche qui brûle, Kovalev par exemple, et je me mets à le fixer en essayant de ressentir ce qu'il ressent à chaque séquence de jeu. J'aime regarder son coup de patin. J'aime quand, par exemple, il parvient à me déjouer sur une feinte que je n'avais pas prévu, comme lorsqu'il a coupé au centre en zone adverse en troisième période ce soir même si sur le jeu, il n'a pas marqué. Ça se fait en une fraction de seconde, mais justement, pendant cette fraction de seconde, j'éprouve une vive sensation parce que sa lecture du jeu a décontenancé la mienne. C'est comme regarder une oeuvre d'art éphémère qui se crée et qui meurt aussitôt. C'est tout à fait futile, ça ne changera rien à ma vie, mais c'est diablement jouissif.
Quand la partie se termine, la petite communauté du Mousse Café disparaît dans la ville jusqu'au prochain match.
J'avais les deux tables du centre pour moi tout seul et l'écran géant en plein dans la face. Les meilleurs sièges en ville.
Je me suis allongé les jambes et je me suis écrasé sur ma chaise bien confortablement en laissant le président américain me raconter ses années de travailleur social. C'est chouette d'avoir un président américain de mon âge, qui a les mêmes références culturelles, qui a regardé les mêmes émissions de télé pour enfant que moi, qui a lu les mêmes numéros de Spider Man que moi dans les années '70. Je me sens proche de ce mec là. Et en plus, il est athée, même s'il dit un peu le contraire depuis deux ans.
Dehors, c'était froid et humide comme c'est souvent le cas en février quand on attend désespérément que l'été arrive. L'endroit était donc d'autant plus confortable. J'ai commandé une coupe de vin rouge que j'ai tété pendant les trois périodes.
Peu à peu, les clients réguliers des soirs de parties de hockey sont arrivés. Le monsieur mal rasé qui ressemble un peu à Pierre Falardeau, la fille un peu weird qui a les cheveux fixés comme dans les années '80, le couple d'amoureux de 60 ans, le jeune longiligne qui ne dit jamais un mot et qui va fumer ses clopes dehors après chaque période, le monsieur qui fait toujours les mots croisés dans le journal et puis quelques autres. On forme une petite communauté tranquille qui s'échange quelques mots parfois. Mais je suis certain que nous avons tous la même solitude en commun. Sauf pour le couple. Sinon nous ne serions pas là un mardi soir chacun tout seul à sa table.
En quelque part, je dirais qu'il y a là quelque chose de pathétique là dedans.
Par moments, je me dis que c'est sans doute pour ça que le hockey a été inventé. Pour se réfugier dans les Cafés les soirs d'hiver quand on cherche à mettre une peu de substance dans un quotidien qui se débat sans surprise en plein mois de février.
Je ne suis pas comme les autres fans qui vivent et meurent pour le CH. Je l'ai déjà été, mais je ne le suis plus. Je regarde le match comme on regarde un feu de foyer. Parfois, je focus sur un joueur comme je focuserais sur une bûche qui brûle, Kovalev par exemple, et je me mets à le fixer en essayant de ressentir ce qu'il ressent à chaque séquence de jeu. J'aime regarder son coup de patin. J'aime quand, par exemple, il parvient à me déjouer sur une feinte que je n'avais pas prévu, comme lorsqu'il a coupé au centre en zone adverse en troisième période ce soir même si sur le jeu, il n'a pas marqué. Ça se fait en une fraction de seconde, mais justement, pendant cette fraction de seconde, j'éprouve une vive sensation parce que sa lecture du jeu a décontenancé la mienne. C'est comme regarder une oeuvre d'art éphémère qui se crée et qui meurt aussitôt. C'est tout à fait futile, ça ne changera rien à ma vie, mais c'est diablement jouissif.
Quand la partie se termine, la petite communauté du Mousse Café disparaît dans la ville jusqu'au prochain match.
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