Maintenant que l'hiver est presque terminé, la madame d'à côté - celle qui parle toute seule dans son bain - se rabat maintenant sur les escaliers intérieurs qu'elle balaient trois ou quatre fois par semaine. Alors qu'elle me faisait chier parce qu'elle s'amusait à déneiger les escaliers extérieurs 5 fois par jour en m'accusant de ne rien faire, j'attends maintenant le moment où elle m'accusera de ne pas nettoyer ses putains d'escaliers intérieurs. Ça va venir. C'est le genre de personne comme ça, complètement obnubilée par le ménage non pas par soucis de propreté, mais pour se donner une raison de vivre. Pour se tenir occupée. Pour ne pas penser qu'elle vit seule et qu'elle parle à ses lavabos le jour et à sa lampe de chevet le soir. Je l'ai entendu balayer lundi et je l'ai encore entendu ce matin. Ça fait donc deux fois en trois jours et il n'y a qu'elle et moi à cet étage. Bientôt, quand je vais la croiser alors qu'elle aura le balais à la main, elle ne pourra s'empêcher de me dire la même chose que lorsque je l'avais croisée avec une pelle à la main à 11h du soir : "C'est toujours les mêmes qui font tout ici!" J'aurai beau alors lui expliquer que rien ne me ferait plus plaisir que de l'aider, mais que tout est toujours tellement propre que ça ne me donnerait absolument rien de passer le balais sur des escaliers où il n'y a pas une putain de trace de poussière. Et elle fera comme la dernière fois, me tournera le dos en grognant et rentrera chez elle sans vraiment me répondre. Du coup, je vais me sentir coupable et je vais commencer à balayer le vide et les nuages en faisant du bruit pour lui montrer que j'ai capté le message, que moi aussi finalement, je suis un peu fou et que je vois de la poussière partout.
Quand j'habitais sur la rue DesÉrables, il y avait un vieux monsieur comme ça, qui prenait sa marche le matin en ramassant les détritus sur le trottoir. Quand il était vraiment en forme, il traversait la rue et allait nettoyer le parking du centre de distribution d'aliments pour dépanneurs qui était juste en face et qui était un véritable ramassis de cochonneries. Il y a deux manières de voir ça. Ou bien le vieux monsieur était un formidable citoyen exemplaire, ou bien il se faisait chier grave. Hélas, et après des mois d'observations intensives de ma part, j'en étais arrivé à la conclusion qu'il répondait d'avantage à la deuxième option. Le vieux monsieur, il écoulait les dernières années de sa vie en ramassant les petits papiers sur les trottoirs parce qu'il n'avait rien d'autre à faire pour occuper ses tranches de 24 heures. J'éprouvais toujours une sorte de tristesse à le voir se chercher ainsi une forme d'utilité citoyenne alors que tout le monde s'en foutait autour de lui. Rendu là dans ta vie, je crois que le suicide est une option fortement envisageable. Je ne sais pas ce que je ferai pour occuper mes temps libres quand j'aurais son âge, mais je sais que je ne ramasserai pas les petits papiers qui traîneront sur ma rue. Ou alors c'est que je serai devenu complètement sénile et qu'il faudra alors que ma fille pense sérieusement à m'abattre d'une balle dans la tête. Ne serait-ce que pour me délivrer de cet enfer. Je crois que ma madame d'à côté en est rendue là dans sa vie. Elle voit de la poussière partout et elle en parle régulièrement à ses lavabos qui eux, n'y comprennent rien. Pas plus que sa lampe de chevet d'ailleurs qui se demande bien ce qu'elle fout là à éclairer dans la nuit une solitude qui va se coucher avec l'angoisse d'avoir oublié un petit bout de poussière sur la troisième marche en partant d'en haut.
Elle doit être veuve ma madame d'à côté et c'est pour ça qu'elle parle à ses lavabos le jour et à sa lampe de chevet le soir. En fait, elle parle à son mari qu'elle voit dans le reflet de ses robinets ou dans la lumière feutrée que lui renvoie son abat-jour de lampe de chevet. Ils sont comme ça parfois les vieux qui ont perdus l'être aimé. Ils s'amusent à les voir partout, même dans la poussière des escaliers. On croit qu'ils parlent tout seul, mais dans le fond, ils échangent avec l'au-delà sans avoir à payer d'interurbain. C'est un forfait solitude pour vieillards séniles. Appels entrants et sortants illimités le soir après 21h et week-end gratuits. (Pouvant s'adapter aux nouveaux modèles de lavabos à écran miniature avec appareil photos intégrés.) La madame, elle a prit le gros forfait, celui qui comprend une communication instantanée avec ses souvenirs du temps où elle était jeune et belle et que son mari ne partait jamais travailler le matin sans la serrer très fort dans ses bras.
Quand j'habitais sur la rue DesÉrables, il y avait un vieux monsieur comme ça, qui prenait sa marche le matin en ramassant les détritus sur le trottoir. Quand il était vraiment en forme, il traversait la rue et allait nettoyer le parking du centre de distribution d'aliments pour dépanneurs qui était juste en face et qui était un véritable ramassis de cochonneries. Il y a deux manières de voir ça. Ou bien le vieux monsieur était un formidable citoyen exemplaire, ou bien il se faisait chier grave. Hélas, et après des mois d'observations intensives de ma part, j'en étais arrivé à la conclusion qu'il répondait d'avantage à la deuxième option. Le vieux monsieur, il écoulait les dernières années de sa vie en ramassant les petits papiers sur les trottoirs parce qu'il n'avait rien d'autre à faire pour occuper ses tranches de 24 heures. J'éprouvais toujours une sorte de tristesse à le voir se chercher ainsi une forme d'utilité citoyenne alors que tout le monde s'en foutait autour de lui. Rendu là dans ta vie, je crois que le suicide est une option fortement envisageable. Je ne sais pas ce que je ferai pour occuper mes temps libres quand j'aurais son âge, mais je sais que je ne ramasserai pas les petits papiers qui traîneront sur ma rue. Ou alors c'est que je serai devenu complètement sénile et qu'il faudra alors que ma fille pense sérieusement à m'abattre d'une balle dans la tête. Ne serait-ce que pour me délivrer de cet enfer. Je crois que ma madame d'à côté en est rendue là dans sa vie. Elle voit de la poussière partout et elle en parle régulièrement à ses lavabos qui eux, n'y comprennent rien. Pas plus que sa lampe de chevet d'ailleurs qui se demande bien ce qu'elle fout là à éclairer dans la nuit une solitude qui va se coucher avec l'angoisse d'avoir oublié un petit bout de poussière sur la troisième marche en partant d'en haut.
Elle doit être veuve ma madame d'à côté et c'est pour ça qu'elle parle à ses lavabos le jour et à sa lampe de chevet le soir. En fait, elle parle à son mari qu'elle voit dans le reflet de ses robinets ou dans la lumière feutrée que lui renvoie son abat-jour de lampe de chevet. Ils sont comme ça parfois les vieux qui ont perdus l'être aimé. Ils s'amusent à les voir partout, même dans la poussière des escaliers. On croit qu'ils parlent tout seul, mais dans le fond, ils échangent avec l'au-delà sans avoir à payer d'interurbain. C'est un forfait solitude pour vieillards séniles. Appels entrants et sortants illimités le soir après 21h et week-end gratuits. (Pouvant s'adapter aux nouveaux modèles de lavabos à écran miniature avec appareil photos intégrés.) La madame, elle a prit le gros forfait, celui qui comprend une communication instantanée avec ses souvenirs du temps où elle était jeune et belle et que son mari ne partait jamais travailler le matin sans la serrer très fort dans ses bras.
1 commentaire:
C'est touchant mon ami. Personne ne souhaite vieillir seul et sans avoir rien à faire.
C'est bien triste de voir que la société exclu ces personnes là, alors qu'ils ont encore beaucoup à donner.
Je ne sais qu'en penser, et espère aussi ne pas me retrouver dans ce cas de figure.
Continue à écrire, je me régale, et découvrir l'ADQ ainsi me fait aimer la politique du Québec !
Après la découverte de Jean Lala Tremblay, et la rencontre d'une député du bloc assez "Je suis, moi, ma, mon blabla, de moi, qui m'appartient" (imagine un repas tout entier ou nous n'avons pas pu placer un seul mot ...)
...
Chacun ses merdouilles, chaque pays choisi ses dirigeants (quoique des fois on nous les impose) ...
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